Pétition pour l’ordination des hommes mariés : des chrétiens laïcs s’organisent !

Même si cet appel remonte à quelques années, comme il est peu connu, il m’a semblé important de vous faire connaître ce que des chrétiens sont capables de faire. Nous sommes si souvent  témoins de faiblesses de la part de chrétiens pratiquants : « Il faut d’abord demander à M. le Curé si on peut… » que cette initiative mérite d’être divulguée largement.

Pétition pour l’ordination des hommes mariés

Deux paroissiens jurassiens ont lancé hier une récolte de signatures en faveur de l’ordination d’hommes mariés dans l’Eglise catholique. Selon eux, le mariage ne diminue pas forcément la disponibilité à l’exercice de la fonction de prêtre. Explications et réactions.

«Les choses bougent depuis quelques années dans le Jura pastoral, alors nous souhaitons contribuer à trouver des solutions pour aider les quelques curés qui restent et trouver des pistes pour en trouver de nouveaux.» Jean-Pierre Bendit, de Courgenay, a lancé hier avec Jean-Paul Miserez, de Delémont, une récolte de signatures visant à soutenir l’ordination d’hommes mariés au sein de l’Eglise catholique romaine. Dans les paroisses et sur un site internet, ils aimeraient permettre à la «base» de s’exprimer jusqu’à fin octobre.

Cette initiative repose sur la déclaration faite en décembre dernier par le président de la Conférence des évêques suisses, Mgr Norbert Brunner, selon laquelle il considérait toujours le célibat comme la forme de vie privilégiée pour les prêtres, qu’il considérait cependant l’ordination d’hommes mariés comme une possibilité. Les deux Jurassiens estiment que cette idée mérite un soutien populaire pour qu’elle progresse. Mais pour ne rien brusquer, la pétition ne porte pas sur le mariage des prêtres, mais bien sûr l’ordination de ceux qui sont déjà en couple. La voie du célibat resterait ainsi une option possible.

Actif dans l’unité pastorale Saint-Gilles, Jean-Pierre Bendit a pu constater à quel point les prêtres sont surchargés. «Pour Courgenay, Courtemautruy, Cornol et le Clos du Doubs, il n’y a plus qu’un curé. Pourtant, il y a d’excellents assistants pastoraux et diacres dans le Jura pastoral. Ils ont fait tout autant d’études que les curés, mais ne peuvent pas donner la communion ni consacrer l’hostie, je trouve ça déraisonnable.» Selon lui, permettre à ces hommes de dire la messe réglerait une partie des problèmes.

Aujourd’hui, le Jura pastoral compte une cinquantaine de prêtres, y compris ceux qui continuent d’officier tout en étant retraités. Il y a 40 ans, on en dénombrait 120.

Le paroissien estime aussi qu’«un homme marié n’est pas forcément moins disponible.» La déclaration le souligne: «De nombreuses personnes auraient les capacités humaines et intellectuelles pour être de bons pasteurs pour nos communautés. Il s’agit de s’adapter à une réalité sociale et pastorale contemporaine.» Le texte rappelle qu’aux débuts de l’Eglise catholique et jusqu’en 1139, les prêtres pouvaient être mariés.

Une fois la collecte terminée, les paraphes seront envoyés à Mgr Brunner et à la Conférence des évêques suisses. /DWI

DELPHINE WILLEMIN

Dernière mise à jour : 11.08.10

——————–

TEXTE DE LA PETITION

Pourquoi soutenir l’ordination presbytérale d’hommes mariés au sein de l’Eglise catholique romaine ?

Evolution de la société

La société évolue, et l’Eglise ne peut pas se tenir à l’écart de cette évolution. Alors que les principes évangéliques doivent perdurer, ce qui est d’autant plus facile qu’ils restent d’une brûlante actualité après plus de vingt siècles, les façons de vivre ces principes, individuellement ou en communauté, doivent évoluer avec la société.

Statut de l’homme marié

Le statut et la condition de l’homme marié ont fortement évolué. La famille est la cellule fondamentale de la société qui apporte à chacun un équilibre social et personnel incontestable.

L’Eglise est universelle

Si l’Eglise est universelle dans ses principes évangéliques, elle peut et doit être diverse selon les milieux géographiques ou sociaux dans lesquels elle vit. Cela a été bien compris dans le fait que certaines Eglises orientales rattachées à Rome acceptent l’ordination des hommes mariés. Cela a aussi été très sensible, par exemple au cours du Concile Vatican II dans l’introduction de la langue locale pour les célébrations liturgiques.

Libre choix

Accepter d’ordonner des hommes mariés ne veut en aucune cas signifier que tous les prêtres doivent être mariés. Le célibat a des qualités incontestables et incontestées. Pour certains par contre le célibat est une charge qui ne devrait pourtant pas les éloigner d’une réelle vocation sacerdotale. Nous contestons le lien systématique fait entre prêtrise et célibat.

Faux apriori

Il est faux de prétendre que le mariage diminue systématiquement la disponibilité pour exercer une fonction socialement exigeante. De nombreux et remarquables exemples d’hommes mariés qui sont très fortement engagés dans la vie sociale, culturelle, politique, professionnelle ou religieuse démontrent le contraire.

Adaptation à une réalité sociale

Il s’agit simplement de s’adapter à une réalité sociale et pastorale contemporaine. Ce qui était possible aux débuts de l’Eglise catholique devrait aussi être possible aujourd’hui, même si durant une période, les impératifs de l’histoire ont pu justifier l’exigence du célibat pour tous les prêtres.

Une égalité de traitement

Pourquoi donc ne pourrait-on pas ordonner des hommes mariés nés catholiques, alors que sous Jean-Paul II entre 140 et 200 prêtres anglicans et pasteurs luthériens mariés ont été ordonnés prêtres catholiques après leur conversion ?

Besoin

L’ordination d’hommes mariés ne résoudra sans doute pas le lancinant problème du manque de vocations sacerdotales. Mais nos communautés ont besoin de guides spirituels et de ministres de l’eucharistie et elles sont prêtes à faire confiance à des hommes mariés issus de leurs rangs.

Un début de solution

L’ordination d’hommes mariés ne va pas résoudre tous les problèmes actuels de l’Eglise. Ce n’est pas la solution idéale, ce n’est pas non plus la seule solution. Mais c’est une solution à la dimension de notre société et de notre temps que l’on ne peut pas écarter du débat et de la réflexion.

Cette pétition a été lancée par :

Jean-Pierre Bendit, Le Genevrier 4, 2950 Courgenay
Jean-Paul Miserez, Rue Louis-Vautrey 26, 2800 Delémont

Merci de diffuser largement cet appel.

————————————————————

Prise de température auprès d’hommes d’Eglise (étrange appellation, non ? Hommes d’église ? c’est quoi ? Hommes payés par ? Hommes en situation de responsabilité ? Notons bien qu’il s’agit bien et exclusivement …d’hommes !)

Pour savoir comment une telle initiative pouvait être accueillie, nous avons contacté quelques hommes d’Eglise, prêtres et laïcs, du Jura pastoral.

Responsable de toute l’Eglise dans le Jura, l’abbé Jean-Jacques Theurillat, délégué épiscopal, juge ce genre de démarche intéressante: «Même si l’Eglise catholique ne fonctionne pas comme une démocratie, on voit se développer une opinion publique en son sein depuis quelque temps. C’est positif, même s’il faut être conscient que le lieu de décision est lointain et qu’avant d’arriver à un tel changement il faudra du temps. Or, cette question n’est pas vraiment à l’ordre du jour à Rome.» Sur le fond, le prêtre va aussi dans le sens de la déclaration: «L’ordination des hommes mariés serait une bonne chose. Ça n’est pas toute la solution, mais ça pourrait contribuer à trouver de nouveaux prêtres et de nouvelles vocations. Toutefois, il faudrait ensuite trouver une formule stable, pour que cela devienne naturel.»

Pour parler du lien entre vie de couple et engagement pastoral, Philippe Charmillot, marié et père de quatre filles, évoque son expérience d’assistant pastoral. «Comme responsable de l’unité pastorale Le Noirmont-Les Bois depuis cinq ans, je peux témoigner qu’il est possible d’allier éducation des enfants, épanouissement du couple et services aux paroissiens.» A ses yeux, il est erroné de dire qu’un homme marié est forcément moins disponible, «il y a des prêtres qui ont des hobbies qui leur prennent tout autant de temps qu’une famille.» Autre argument avancé en faveur de l’ordination des hommes mariés: «Cela permettrait d’avoir une sensibilité familiale dans l’Eglise, voire une sensibilité du couple. Je pense que l’Eglise s’en trouverait enrichie.»

De son côté, l’abbé Nino Franza, jeune prêtre au sein de l’unité pastorale Saint Jean-Baptiste, aux Franches-Montagnes, tient à relever la complexité de la question. «Aujourd’hui en tant que prêtre, mes journées sont pleines. Je rencontre un nombre impressionnant de personnes chaque semaine. Ici, il y a deux prêtres pour huit paroisses, tandis qu’avant il y en avait en tout cas un par paroisse. Si j’avais une femme, je vivrais des tensions encore plus grandes que maintenant. Et s’il y avait des enfants? Un autre problème se pose par ailleurs: si un couple se sépare, que se passerait-il dans le cas d’un curé?» Nuancé, l’abbé voit aussi du positif dans l’ordination de prêtres mariés: «Au niveau affectif, peut-être que ça pourrait aider certains prêtres, qui se sentent seuls à un certain âge.»