Bibliographie : Gérard LOIZEAU

« Prié de me taire » – Éditions Max Milo

Gérard Loizeau a la douceur de ces prêtres qui savent vous écouter, réfléchir avant de répondre aux questions afin de toujours trouver le mot juste. <<

Oui, mais voilà, Gérard Loizeau n’est plus prêtre. Il y a vingt ans, il a abandonné le Ministère pour refaire sa vie avec une femme, avoir un fils astrophysicien, devenir directeur d’une école privée, peut-être reprendre le chemin de la vie qu’il aurait dû avoir dès le début.

Dès sa plus tendre enfance, il a cru qu’il avait la vocation. « ou plutôt, on m’a fait croire que j’avais la vocation. »

A chaque fois qu’il parle de son parcours – petit séminaire, noviciat chez les Pères de Chavagnes, ordination, missionnaire, il utilise un langage qui ne trompe pas : « On me disait que j’avais été choisi, désigné, que ça m’était tombé dessus par la volonté de Dieu…  »  A l’époque, devenir prêtre ou religieux représentait une ascension sociale, pas seulement spirituelle. « Ça me paraissait chouette d’être curé, se souvient-il. Ces hommes semblaient parés de toutes les vertus. Je ne pensais pas que cela allait me rendre aussi malheureux. »

En lisant son livre, on se demande souvent pourquoi cet homme, entraîné dans une voie contre son gré, n’a jamais dit non quand il en a eu l’occasion :  » Je n’ai pas su mettre des mots sur mon malaise grandissant, explique-t-il aujourd’hui. J’ai toujours subi, peut-être ai-je été faible ? On ne m’a jamais empêché de partir, mais on m’a toujours retenu. Personne n’a voulu voir que je n’étais pas fait pour ça. »
On a surtout l’impression qu’il a été conditionné par un système qui voulait avant tout le garder pour des questions comptables et éviter d’avoir à dénombrer un départ de plus.

Son témoignage revêt un caractère historique. Ce qu’il a vécu n’existe plus. Mais des milliers de jeunes hommes sont passés par là. « Comment peut-on engager un enfant de 11 ans dans une voie qui mène au célibat ?  » se demande-il aujourd’hui.

Car c’est l’autre propos du livre : tenter d’ouvrir le débat sur le célibat des hommes d’Eglise. « On présente ce vœu comme une condition de la vocation, mais je ne pense pas que le Christ l’ait voulu. Moi, cette question m’est tombée dessus à 40 ans. Il y a eu un déclencheur et j’ai quitté les ordres en étant persuadé d’être fautif. Ça ne fait pas longtemps que je ne culpabilise plus, que j’ai compris que beaucoup sont partis pour les mêmes raisons que moi, que l’Eglise devrait s’ouvrir sur cette question pour garder ses prêtres, plutôt que d’accepter que certains aient une double vie, des femmes cachées.  »

( article de David Carzon, paru dans le journal «  Vingt minutes » le 9 janvier)

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Depuis 50 ans, 100 000 prêtres ont quitté leur fonction dans l’Église catholique, et le phénomène s’est produit aux mêmes époques et  à travers tous les pays.

L’Église catholique a-t-elle raté sa mue ?
Est-elle devenue, en Occident, un dinosaure inadapté à la société ?
Voici la question traitée de l’intérieur, à travers le récit d’un prêtre qui a suivi le dogme tant bien que mal durant trente ans, avant de quitter l’Église de son plein gré.
Gérard Loizeau entre au séminaire à l’âge de 11 ans, armé des meilleures intentions et d’une foi précoce.
Il déchantera rapidement sous « l’étau bienfaisant » d’un univers d’une dureté incompréhensible.
Il se sent dressé comme un animal et voit son enfance confisquée.
Dès l’adolescence, plusieurs questions le hantent : Dieu souhaite-t-il vraiment le célibat des hommes de robe ? Veut-il la souffrance de la vie humaine par l’extrême pénitence ?
L’auteur fera trois dépressions, mais tiendra son célibat jusqu’à l’âge de 40 ans.
Ensuite, exténué de voir l’Église camper sur des positions qu’il juge rétrogrades, il lâche prise, à la surprise de tous.
Sur ce qu’il a vu, sur ce qu’il a vécu, on le priera de se taire.
C’est aussi l’histoire de France des cinquante dernières années que l’on traverse à travers cette destinée, de la guerre d’Algérie aux déboires actuels du Vatican, en passant par Mai 68.
Ce livre est d’une élégance stylistique qui le rapproche des classiques de la confession, genre initié par Saint-Augustin.

Éditions Max Milo, 384 pages, 2009. Isbn 978-2-35341-050-7.  19,90€