Film : Ceci est mon corps

Interview de Jérôme Soubeyrand pour son premier long métrage « Ceci est mon Corps »

Publié par Nathalie Dassa le 24 décembre 2013

Jérôme Soubeyrand signe ici son premier long métrage, conçu entre amis et produit avec un micro budget. Ce scénariste, qui s’est souvent distingué au travers de ses dialogues acerbes brisant les conventions et le politiquement correct (Pièce Montée, Tout pour plaire), explore dans ‘Ceci est mon Corps’ trois niveaux de lecture entre fiction et documentaire. S’il se met en scène dans la peau d’un curé en pleine remise en question sur ses croyances et ses désirs après sa rencontre avec une actrice fantasque lors d’un stage de thérapie, il convoque aussi Michel Serres et Michel Onfray, qui donnent leurs visions sur les fondements de la séparation du corps et de l’esprit dans le Christianisme, ainsi que Bruno Clavier pour une séance de psychanalyse transgénérationnelle. Jérôme Soubeyrand se confie à CineChronicle et nous parle de cette œuvre à part dans le paysage cinématographique, en quête d’un distributeur, mais aussi d’amour et de sexualité, de ses méthodes d’écriture, de la place du scénariste et de l’état du cinéma français.

CineChronicle : D’où t’est venue l’inspiration de Ceci est mon Corps ?

Jérôme Soubeyrand : Je voulais écrire au départ un film sur la sexualité, mais une sexualité qui n’est jamais représentée : l’hétérosexualité génitale hors perversion. En d’autres termes, ce qui se passe entre un homme et une femme. La sexualité est souvent représentée au travers de l’homosexualité, l’amour de groupes… ce que la psychiatrie appelle ‘les déviances’ mais ça ne raconte jamais vraiment ce qui se passe entre un homme et une femme. Je me suis dit que ce serait un vrai sujet de film. J’ai démarré l’écriture voici dix ans avec dans un premier temps un universitaire qui rencontre une danseuse, par rapport à cette idée que ‘l’esprit rencontre le corps’ mais ça ne fonctionnait pas. Je m’embourbais dans les scènes. On ne comprenait pas sa quête. Et puis je l’ai transformé en curé et ça devenait drôle. J’avais enfin une dynamique. Ce premier scénario s’appelait ‘Toutes les femmes sont du même sexe’ et se concentrait sur ce curé qui tombe amoureux d’une actrice névrosée dans un stage de thérapie. Deux producteurs m’ont proposé de me l’acheter mais j’ai refusé car je voulais jouer ce rôle et réaliser le film. C’est resté dans un tiroir jusqu’à ma rencontre avec Pierre-Loup Rajot. On s’est très vite très bien entendu et il a eu envie de produire un de mes projets. J’ai fini par lui faire lire Ceci est mon Corps et il a adoré. Je lui ai raconté ce qui m’était arrivé car après avoir écrit le scénario, j’avais tous les éléments pour comprendre un secret de famille, à savoir que ma grand-mère est une fille de curé. Il a trouvé cela génial et m’a conseillé de l’intégrer dans l’histoire.

CC : Pourquoi avoir décidé de passer derrière la caméra avec ce film ?

JS : J’avais en fait déjà réalisé des courts-métrages, des films industriels, des shorts pour Canal+, des érotiques pour M6 pendant une dizaine d’années. J’ai toujours eu envie de réaliser. Je me suis donc formé très vite en tant que scénariste pour écrire et me préparer un long métrage à mettre en scène. Avec trois scénarios achetés et sortis sur les écrans, je suis devenu scénariste presque malgré moi. Au fil du temps, j’ai découvert le métier et progressivement j’avais envie de faire des choses qui comptent vraiment. Le cinéma a été très important pour moi. J’ai appris la vie au cinéma. Et Ceci est mon Corps en est la résultante. Il était clair pour Pierre-Loup [Rajot] que je devais jouer et réaliser ce projet mais il m’a aussi énormément poussé à aller plus loin pour plus de sincérité et d’authenticité.

UNE ODE À L’AMOUR ET À LA SEXUALITÉ

CC : Tu soulèves de nombreuses thématiques comme la sexualité féminine, l’homosexualité, le christianisme, l’abstinence, l’amour, le doute, le célibat des prêtres, l’individualité… Souhaitais-tu dès le départ les aborder dans trois approches (comique, philosophique et psychologique) via les segments de la fiction et du documentaire ?

JS : Dès le départ, je voulais aborder la sexualité comme jamais je ne l’ai vue au cinéma, à savoir de manière saine, merveilleuse, heureuse, sensible, intelligente, ludique et que cela fasse vraiment du bien. J’ai consacré du temps à cette recherche et j’ai beaucoup lu sur la sexualité. Je voulais y mettre du soin, de la délicatesse et de la bienveillance. Je ne voulais pas évoquer le côté sale, bourré de culpabilité et de souffrance. Je me suis aperçu que de nombreux films finissent souvent très mal lorsque les personnages vivent une sexualité intense comme L’Empire des Sens, L’empire de la Passion [de Nagisa Oshima] ou les films de Breillat. Même Le Dernier Tango à Paris que je trouve magnifique. Je voulais casser cette façon de l’interpréter dans la fiction. Après avoir tourné les scènes avec les acteurs, j’ai hésité à intégrer toute la partie documentaire. Au montage, je trouvais que le film fonctionnait très bien comme ça. Mais certains procédés de la littérature m’ont inspiré et j’ai changé d’avis. J’ai été très marqué par Nabokov dans le sens où il fait souvent des préfaces et des postfaces pour faire supposer un récit ancré dans une réalité. Il réussit à faire se rencontrer des niveaux de réalités différents qui se mettent en perspective. Tout comme la postface d’Histoire de L’œil de Georges Bataille. Dans l’un de ses petits recueils, il en existe une où il donne les clés biographiques sur le comment du pourquoi tout ceci lui est arrivé. J’ai trouvé cette rencontre des différents niveaux de réel vraiment troublante et intéressante. Mais Ceci est mon Corps fonctionne surtout grâce à la fiction, c’est vraiment le corps du film. Tout le reste vient en contre-point même si étrangement la catharsis et le climax se déroulent dans le documentaire.

CC : A l’instar de tes précédents scénarios, ton style reste ciselé et brise les conventions et le politiquement correct avec des répliques désopilantes. Quelles sont tes méthodes d’écriture etcomment s’est déroulée ta collaboration avec Marina Tomé, qui a participé au scénario et que tu diriges également ?

JS : En fait j’ai écrit le scénario seul mais Marina a l’habitude de relire toujours toutes les versions en apportant ses remarques. C’est un vrai travail car elle se rend toujours disponible pour discuter ensemble des modifications. La plupart du temps, je me documente avant et pendant, quand je me lance dans un scénario. J’ai lu une quarantaine de livres pour pouvoir aborder la sexualité. Je voulais savoir où on en était, au niveau du grand public, de la compréhension sur la sexualité et ce rapport à Freud. En fait, j’ai fini par prendre conscience au fil du temps de l’importance des personnages aussi bien principaux que secondaires. Je me sens prêt à démarrer l’écriture seulement quand je connais par cœur toute la vie et la généalogie de mes personnages au point de me faire du souci ou d’être heureux pour eux. Tout ce processus se fait généralement le matin entre veille et sommeil avec un tas de cahiers remplis de notes, toujours près de moi. Ensuite tout devient plus mécanique lorsque je dois écrire les scènes. L’écriture me prend généralement une année, entre la réflexion et les différentes versions, et surtout ici car Ceci est mon Corps est un deuxième film né du premier.

CC : Comment se sont construits ces deux monologues, énoncés magistralement par Marina, sur la sexualité féminine au restaurant et sur la vérité et la vraisemblance, qui sont déjà d’anthologie ?

JS : La scène du restaurant est l’histoire d’un premier jet. A certains moments, je suis comme habité et l’écriture se fait d’un seul trait. Après je retravaille bien sûr chaque passage. Je reviens des centaines de fois sur les dialogues qui se cisèlent au fur et à mesure. J’y passe un temps fou. Je me suis beaucoup formé avec les Américains. Il existe notamment le concept de ‘joke aids’ qui consiste à placer une bonne vanne au bon endroit dans le scénario. Elle est encore maladroite, pas très bien formulée, ni bien écrite, mais elle est au bon endroit. Généralement si ce n’est pas bon, cela veut dire aussi que les personnages ne sont pas encore très bien aboutis. Mais petit à petit, je trouve le bon jeu d’esprit. C’était le même principe lorsque j’écrivaisTout pour plaire avec Cécile [Télerman]. Elle a beaucoup d’esprit et sortait toujours plein de vannes. Mais le problème du bon dialogue, ce n’est pas qu’une bonne vanne bien écrite. Je les reprenais pour en retravailler certaines. C’est un vrai travail d’horloger suisse. Il faut que le dialogue sonne. Mais parfois, ce n’est juste pas le bon endroit comme celle – mal placée – dite par Mathilde Seigner dans Tout pour plaire,‘Qu’est ce que vous avez à faire du sort des sans chéquiers ?’. C’est raté car elle le dit dans un moment d’émotion. Du coup, tu casses l’émotion et tu ne fais rire personne.

UN CASTING ATYPIQUE ET ORIGINAL

CC : Est-ce difficile de diriger des personnes très proches comme Christophe Alévêque, Marina Tomé et Pierre-Loup Rajot, également producteur ?

JS : Je me suis vraiment fait plaisir à diriger de l’intérieur mais je voulais surtout de vrais moments de vie. Ma référence en terme de direction d’acteurs étaitPolice de Pialat. J’adore le jeu des acteurs dans ce film. Comme ceux de Mike Leigh que j’aime beaucoup. Je voudrais arriver à cette véracité et à cette simplicité. Dès le premier jour du tournage, je me suis rendu compte que c’était plus intéressant de les laisser se mettre en place et de casser mes intentions de mise en scène. Je me suis mis à leur service. Du coup, ça leur a donné une liberté qu’ils n’auraient pas eue si je leur avais indiqué quoi faire. Je les ai surpris aussi, en ne lisant pas toujours mes dialogues afin de casser aussi la routine du texte trop bien écrit. Mais finalement quand tu as choisi ton comédien, tu n’as plus qu’à l’aimer en le filmant. Tu obtiens tout de lui en l’aimant. Ma direction se fait à l’oreille. Je ne parle pas à l’oreille des chevaux mais des comédiens, toujours en chuchotant. Si ça les a surpris au début, ça les a mis en confiance car ils sont en état d’émotivité totale dans ces moments-là. Et j’aime les préserver.

CC : Christophe Alévêque a été ton choix de départ ?

JS : Non mais on travaille ensemble sur un autre projet. Il s’avère que celui qui devait interpréter le rôle de Rénato, un banquier travesti homosexuel, s’est retiré par peur. J’ai envoyé le scénario à Christophe. Il m’a rappelé le lendemain en me disant que j’étais un fou furieux, qu’il fallait me faire interner et que donc il allait jouer ce rôle.

CC : Pourquoi avoir convié spécifiquement les philosophes Michel Serres et Michel Onfray et le psychanalyste Bruno Clavier ? Comment les as-tu convaincus à participer au projet ?

JS : J’ai lu pratiquement tous les ouvrages de Michel Serres, dont Rameaux qui évoque l’importance de Saint Paul. Il s’avère aussi que nous sommes presque voisin car il habite près de chez moi et je le croise de temps en temps. Ensuite, je cherchais quelqu’un d’autre pour venir enrichir ses propos. Je n’avais pas particulièrement lu les livres de Michel Onfray et son évocation sur Saint Paul, mais nous avons été présentés par un ami commun. Les deux m’ont dit oui tout de suite. Pour Bruno Clavier, ç’a été différent. C’est vraiment le pape de la psychanalyse transgénérationnelle, qui a été inventée par Françoise Dolto et Didier Dumas. Il a été leur élève et après leur mort, il a développé le concept. Il se trouve que je le connaissais par ailleurs. Il a accepté d’être filmé en direct devant trois caméras pendant 2h30, pour réaliser une vraie séance de psychanalyse avec moi.

CC : ‘Ceci est mon Corps’ surfe sur l’actualité à l’heure où le Pape François fait la une de Time Magazine et semble déterminer à faire évoluer l’église concernant le célibat des prêtres… Qu’en penses-tu ?

JS : Etonnamment depuis que j’ai réalisé mon film, je n’en pense plus rien car cela a délié les derniers liens que j’avais avec l’église. Ce n’est plus du tout mon problème. Le fait de ne plus être croyant a été un cheminement très personnel qui n’a rien à voir avec ce film. En travaillant avec les amérindiens, j’ai fini par comprendre la différence entre la spiritualité et la religion. Celle-ci est basée sur la croyance et sur la culpabilité alors que la spiritualité se fonde sur la responsabilité et l’absence de culpabilité. La religion te pardonne des choses alors qu’avec la spiritualité tu deviens responsable de tes actes. Je suis passé de l’un à l’autre avec le temps.

PETIT BUDGET MAIS GRANDS MOYENS

CC : Comment s’est déroulé le tournage ?

JS : En trois temps. D’abord à Montreuil et à Paris en juin, ensuite nous sommes partis pour l’Ardèche et la Drôme en septembre pour y retourner en novembre. Nous avions très peu de budget mais curieusement nous avons eu tous les moyens. C’est le vrai paradoxe finalement.

CC : Justement avez-vous rencontré des difficultés de financement ?

JS : Aucun car nous n’avons rien demandé à qui que ce soit. C’était d’ailleurs le but car aujourd’hui, lorsque tu envoies ton scénario, c’est comme si tu demandais l’autorisation de faire ton film. On est passés outre et nous nous sommes débrouillés. Nous avons eu besoin de peu d’argent en liquidité. Pierre-Loup s’est ensuite chargé de trouver les moyens. J’ai eu la super caméra, le super chef op’, le temps qu’il fallait pour tout, neuf mois de montage – ce qui n’arrive plus à personne aujourd’hui -, le temps nécessaire pour le mixage qui représente le poste le plus tendu au cinéma même si personne n’en parle jamais. Ceci est mon Corps a été choyé. J’espère concevoir un modèle économique qui me permettra d’avoir toujours ces moyens extrêmement luxueux en dépit du fait que les acteurs n’ont pas touché d’argent car seuls les techniciens ont été rémunérés.

CC : Tu as présenté ton film au deuxième Festival International du Film Grolandais de Toulouse (Fifigrot) qui lui donne encore une nouvelle dimension…

JS : Oui tout s’est fait très vite et totalement hors délai d’ailleurs. Mais il s’avère que je connais Benoit Delépine et je l’ai quand même appelé pour pouvoir participer à ce festival. Il m’a bien sûr répondu ‘Tu te manifestes beaucoup trop tard mon vieux, ils sont en train de faire les catalogues…’ mais m’a demandé de lui faire parvenir un DVD au cas où. Je lui ai envoyé le film sorti tout droit de l’ordinateur, pas mixé ni étalonné. Il m’a appelé le lendemain pour me dire qu’il avait adoré et m’a conseillé d’envoyer une copie à l’un des membres du comité de sélection. Et la bonne nouvelle est tombée pendant mes vacances.

CC : As-tu trouvé un distributeur ?

JS : Nous sommes en recherche actuellement. Pour l’instant, très peu de personnes l’ont vu. J’ai récemment déposé le DVD chez Sophie Dulac Distribution qui s’est manifestée. On y va doucement et on laisse venir.

UN CINÉMA FRANÇAIS DE PLUS EN PLUS SCLÉROSÉ

CC : Quel est ton avis sur la comédie populaire française aujourd’hui et plus largement sur l’état du cinéma français ?

JS : Il y a un vrai problème aujourd’hui ; ce n’est pas tant le fait que les acteurs aient le pouvoir, mais qu’un certain nombre de personnes détenant les budgets donnent du pouvoir à un certain nombre d’acteurs. Je trouve dommageable que les réalisateurs français soient désormais contraints d’accepter des acteurs imposés pour voir leur film se concrétiser. On constate cette année que très peu de réalisateurs ont pu vraiment choisir leur casting. Et cela ne se situe pas seulement dans la comédie, c’est également vrai dans le cinéma d’auteur. Hormis des films comme La Fille du 14 juillet ou La Bataille de Solférino, qui se sont faits avec des acteurs inconnus, tous les décideurs exigent aujourd’hui des garanties avec des stars bankables à différents niveaux. C’est l’un des états de faits qui sclérose le cinéma français. Pour le coup, mon film s’inscrit complètement en faux par rapport à cela.

CC : Et sur la place du scénariste français ?

JS : Historiquement c’est compliqué. Les scénaristes en général sont frustrés de la place qu’on leur accorde. Certains s’en sortent mieux que d’autres, en l’occurrence les scénaristes des séries américaines, qui deviennent eux-mêmes coproducteurs. Mais c’est souvent pour pouvoir toucher des droits de suite, une manière de se fabriquer des droits d’auteurs. La réalité est souvent beaucoup moins enthousiasmante. C’est quand même plus alarmant en France qu’ailleurs et ce, depuis la Nouvelle Vague. On pourrait même dire que cela la précède en réalité car Elie Faure, un grand critique d’art dans les années 20, avait classé le cinématographe naissant dans les arts plastiques. Il reste ainsi en France un hiatus entre le récit et la plasticité du film. Tout devient vite suspect si le scénario est trop bien écrit. Cela a été relancé avec la Nouvelle Vague mais cet aspect existe encore entre l’intelligentsia et le scénariste, qui va rendre le projet commercial. Le public s’en moque un peu de la plasticité si le scénario est mal conduit alors qu’il est assis depuis deux heures sur un fauteuil dans le noir. Le succès commercial est quand même encore lié à la qualité du récit en dépit de certaines exceptions. Mais il reste encore une relative équation mathématique entre la qualité de l’histoire et l’adhésion du public. Ce constat rend le scénariste sujet à caution au regard de l’intelligentsia, à savoir la critique, en particulier celle de l’ancienne école issue des Cahiers du Cinéma, car des nouveaux critiques comme toi arrivent et sont en train de balayer ces vieux principes. A tel point que j’ai créé à l’époque le prix Jacques Prévert en collaboration avec la petite fille de Prévert. Elle m’avait raconté que Serge Toubiana de la Cinémathèque Française – chantre des Cahiers du Cinéma – avait refusé de faire une rétrospective pour le centenaire de Jacques Prévert car pour lui c’était ringard. Mais progressivement les mentalités changent. Aujourd’hui le scénariste est plus valorisé et certains producteurs prennent conscience de l’importance du script.

CC : Le talent n’a pas de frontière et pourtant les méthodologies semblent mieux acquises aux Etats-Unis qu’en France. La différence reste de taille dans la construction d’une intrigue, des personnages…

JS : Je fais partie de la première génération des scénaristes formés. Je suis arrivé sur le marché en 1997 en ayant fait la Fémis avec Lavandier et des workshops aux Etats-Unis. J’ai deux grandes étagères pleines de livres américains sur le scénario que je continue de consulter régulièrement. Mais toutes les bases de la dramaturgie contemporaine ont été posées par le théâtre français du 19e. De nombreuses pièces d’auteurs, passées complètement inaperçues comme celles de Victorien Sardou ou Eugène Scribe, ont été adaptées dans le cinéma des années 30. Le théâtre de boulevard du 19e est largement à l’origine de la dramaturgie américaine. C’est ce qui créé le paradoxe. Lorsque je suis arrivé dans l’univers des scénaristes, je me suis fait rembarrer plusieurs fois car mon écriture ne correspondait pas du tout au format standard. Aujourd’hui, il existe des Truby, McKee et Syd Field avec leurs structures personnalisées. Pour eux, le cinéma se construit de cette manière, point. Je me suis amusé à relever sur mon cahier de notes toutes les structures telles que chaque ponte les conçoit. C’est assez drôle. Mais cela vaut le coup aussi pour se poser des vraies questions de dramaturgie et cela donne une culture sur l’art du récit.

CC : Quels sont tes prochains projets ?

JS : J’ai plusieurs projets en préparation. J’ai terminé un scénario de comédie coécrit avec Christophe Alévêque et que l’on doit coréaliser. Il s’agit d’une histoire d’un groupe de copains. Il joue le rôle central d’un professeur de philosophie et futur maire de Montceau-les-Mines, qui annonce vouloir devenir une femme. De grands acteurs nous ont déjà dit oui pour ce projet. C’est au niveau des distributeurs que cela coince car certains se demandent comment on peut faire une comédie avec un sujet aussi grave… Et puis je planche sur un biopic avec l’écrivaine-voyageuse Corine Sombrun, qui a écrit plusieurs ouvrages. Elle a été reconnue chaman par les chamans de Mongolie mais elle-même ne veut pas en entendre parler. Elle est revenue en occident pour prêter son cerveau aux grands scientifiques et ainsi étudier, d’un point de vue neurologique, un cerveau qui rentre en transe. On est en quête de l’actrice qui pourrait l’incarner.