Québec : Une Association de compagnes de prêtres

Angélyne Vallée(1) constate que depuis quelques années, l’Église refuse d’accorder la laïcité à ceux qui en font la demande, ce qui fait qu’il leur est impossible de se marier par la suite dans l’Église catholique.

Elles sont plus nombreuses qu’on pense à avoir eu des liaisons, voire des enfants, avec des membres des communautés religieuses. L’une d’entre elles, la Beauceronne Angélyne Vallée, a entrepris de les regrouper en Association.

C’est après son accouchement que Solange a appris que le père de l’enfant ne quitterait pas la prêtrise. En fait, s’il avait rompu avec sa communauté religieuse durant leur concubinage, il n’avait pas obtenu la lettre de Rome signant son divorce d’avec l’Église. (Ndlr: l’auteur veut parler en fait de sa mise à l’écart d’un Ministère dans l’église.)

Si son histoire semble étonnante, Solange n’est que l’une de ces nombreuses femmes qui ont ou qui ont eu des liaisons amoureuses et sexuelles avec des prêtres malgré la loi imposant le célibat aux membres des communautés religieuses. Ce sont des histoires qui finissent souvent mal, comme le constate Angélyne Vallée, qui a elle-même eu une liaison avec un prêtre. Il y a quelques années, Angélyne Vallée signait un livre, “Rose sous les canons”, aux éditions du Dauphin Blanc, qui témoigne de son expérience en tant que compagne de prêtre et de sa conviction qu’il est temps de modifier l’obligation du célibat imposée aux prêtres. Aujourd’hui, elle s’apprête à fonder une Association regroupant les compagnes et les ex-compagnes de prêtres. « J’affrontais une rivale “qui n’en était pas une”, raconte-t-elle dans son livre. L’Église était sa femme. »

La loi du célibat obligatoire pour les religieux catholiques date de 1139, et n’avait pour but, selon elle, que d’assurer la pérennité économique de l’Église, lance-t-elle dans son livre.

« […] en 1139, au deuxième concile de Latran, le pape Innocent II décida d’imposer la règle du célibat, pour la pure et simple raison que voici : quand le prêtre marié décédait, il léguait ses biens à sa femme et à ses enfants. Alors, l’institution de l’Église catholique de Rome, voulant récupérer l’héritage de ses prêtres, décida d’exiger leur célibat. Voilà. C’était avant tout une histoire de gros sous », écrit-elle.
Angélyne Vallée ajoute que cette loi rejoignait aussi d’anciens principes païens voulant qu’un célébrant soit vierge physiquement, donc célibataire.

« Que sont devenues les femmes ? Que sont devenus les prêtres ? Les prêtres n’ont plus eu de véritables compagnes de vie. Non ! Mais ils ont eu [et souvent dominé] par la suite : leurs servantes, leurs aides-ménagères, leurs auxiliaires, leurs cuisinières, leurs confidentes, leurs secrétaires, leurs lavandières… et [toujours dominé] leurs maîtresses illicites. Ou bien ils ont vécu des temps de sécheresse du coeur, parce que privés de tendresse. Des enfants ont été cachés et abandonnés », écrit-elle.

Depuis la publication de son livre, Angélyne Vallée a recueilli les témoignages de dizaines et de dizaines de femmes québécoises qui ont eu des liaisons avec des prêtres. Elle est en lien avec d’autres Associations de compagnes et d’ex-compagnes de prêtres ailleurs dans le monde, comme “Plein Jour” en France, “Zofra” en Suisse, ou “Good Tidings” aux États-Unis. Ce dernier groupe a d’ailleurs été fondé par un ancien prêtre québécois, Joseph Grenier, et par sa conjointe Kait.

En fait, depuis quelques années, constate Angélyne Vallée, l’Église refuse même d’accorder la laïcité ( le retour à l’état laïc”) à ceux qui en font la demande, ce qui fait qu’il leur est impossible de se marier par la suite dans l’Église catholique. « Ces prêtres sont rejetés de l’institution, ce qui fait que l’Église garde les plus fautifs », dit-elle. Pendant ce temps, note-t-elle, des prêtres peuvent continuer tranquillement de donner la communion tout en alignant les liaisons avec différentes maîtresses.

Souvent, l’Église va séparer les couples pour éloigner l’homme de la femme et des enfants.

« Comme une trahison »

C’est le cas de Clara, par exemple, l’une des femmes qu’Angélyne Vallée a suivies. « Elle l’a cherché partout pendant six mois. Il aurait dû oser lui dire qu’il ne l’aimait plus. […] Elle a sacrifié sa vie pour lui et n’a pas eu d’enfants. » D’autres ont contracté des maladies vénériennes chroniques auprès de religieux. « J’en connais une dont le cas fait l’objet d’une enquête », raconte Angélyne Vallée.

En adoptant cette attitude, l’Église déresponsabilise, voire infantilise les prêtres, dit Mme Vallée.

« Je ne suis jamais allée en cour pour demander une pension alimentaire, par exemple. Parce que c’était une situation anormale, pour laquelle je n’avais pas de référence. Je l’ai vécu comme une trahison », raconte Solange. Il faut dire que hors de la communauté, les prêtres n’ont ni compte en banque (Ndlr. C’est le cas des religieux qui ont fait à titre personnel le vœu de pauvreté, pas des prêtres séculiers) , ni emploi, ni pension de retraite. « C’est comme s’ils sortaient d’une secte », dit Angélyne Vallée.

La plupart du temps, ajoute Angélyne Vallée, les femmes n’ont pas consenti à vivre dans l’ombre d’un homme. Elles espèrent que leur amour finira par triompher et finissent par se sentir manipulées et flouées.

« Un amour clandestin perdu, c’est encore plus difficile à vivre. Il faut cacher sa peine. Et le rejet subi de la part d’un prêtre cause plus qu’un deuil d’amour. C’est une espèce de trahison, un pied de nez à la Création que j’ai ressenti profondément dans ma chair féminine », écrit encore Angélyne Vallée.

La sexologue et religieuse Marie-Paul Ross l’a lancé comme un pavé dans la mare dans son livre : “Je voudrais vous parler d’amour et de sexe”, paru chez Michel Lafon : 80 % des religieux ont failli à leur promesse de célibat sacerdotal et religieux. « Pour moi, ce sont des chiffres très, très réalistes », dit Angélyne Vallée.

Depuis plusieurs années, Angélyne Vallée multiplie les démarches auprès de l’Église pour faire valoir le point de vue de ces femmes qui ont aimé de bonne foi des hommes d’Église. Elle a rédigé un rapport qu’elle a remis à l’évêque auxiliaire du papabile Mgr Ouellet, au cardinal Turcotte, à l’Assemblée des évêques et au Comité des affaires sociales de l’Église.

« Je n’ai jamais eu d’accusé de réception », dit-elle. Pire, un jour, on l’a plutôt orientée vers un psychanalyste !

Pour Mme Vallée, la sexualité ne doit pas être traitée avec désinvolture par les prêtres. Si l’Église ose enfin dire qu’il y a un problème avec la pédophilie, « il va falloir aussi qu’ils examinent les rapports dominants qu’ils ont avec les femmes », dit-elle.

C’est l’ouverture qu’elle attend du prochain pape, qu’il soit Québécois ou non.

(1) Angéline Vallée a témoigné dans le Livre récemment paru aux Editions Golias : “Des compagnes de prêtres témoignent”.
NB. Le prénom de certaines personnes a été changé pour préserver leur anonymat.

Article du 13 mars 2013, par Caroline Montpetit