Des Compagnes de prêtres témoignent : Présentation

Des compagnes de prêtres témoignent

On est à fleur de peau tout le long de l’ouvrage ; à fleur de cœur ! « Des  compagnes de prêtres témoignent » (éd. Golias, décembre 2017) parle  d’amour, de part en part, de ces rencontres magiques, inexplicables, qui bouleversent la vie ; de cette alchimie mystérieuse qui fait que les choses changent en un instant, que le regard est renouvelé ; plus rien ne sera jamais comme avant… Un livre qui parle  d’amour et donc souvent de souffrances. On a la chair de poule, on se sent parfois comme écorché : ce sont des vies qui sont ici révélées, sans fard. 

Le témoignage de ces femmes et de ces hommes est précieux car rare : il s’agit d’anciens prêtres et de leurs époux et épouses qui expliquent ici comment « ça » s’est passé pour eux, comment ils ont vécu « ça », comment ils « en » ont parlé à l’évêque… Vingt ans après « Femmes et prêtres mariés dans la société d’aujourd’hui »(1), il s’agit de faire le point sur ces prêtres ayant quitté le ministère par amour et leurs conjoints, rappeler les faits, circonstances, conséquences…, sur cette rencontre, cette révélation. Dans chacun des témoignages, on distingue toujours cet amour qui emporte tout, comment Dieu prend une place finalement différente : il n’est plus dans les hauteurs, impalpable, mais bien là, au milieu de nous, au milieu de deux êtres qui s’aiment et se donnent en totale communion avec lui. Évidemment, ce sont des mots faciles à écrire après lecture, surtout quand on n’est nullement soi-même concerné… Car ces courageux sont passés par bien des affres que beaucoup trouveraient insupportables.

Dans ces unions interdites, un tiers vient inévitablement s’incruster : non pas Dieu mais l’Église. Le prêtre consacre sa vie à Dieu à travers elle, « il a eu le temps de mûrir cet appel » (pour le dire comme un prêtre qui ne comprenait pas le départ de collègues) durant le séminaire ; et l’Église n’est pas partageuse, d’où son intransigeance devant le fait amoureux d’un de ses fils à qui elle a permis d’étudier, qu’elle a construit, sur qui elle a misé. L’Église, finalement, ne prend pas assez en compte qu’elle a affaire à des hommes ; elle estime qu’une fois ordonnés les prêtres n’en sont plus totalement, ce sont des demi-dieux, des intercesseurs entre les laïcs et Dieu, des « médiateurs ». En conséquence, ces êtres à part ne peuvent plus raisonnablement partager la même vie que leurs contemporains et en premier lieu lorsqu’il s’agit d’amour.

Est demandé au prêtre de le sublimer, de l’absolutiser : en refusant d’aimer une seule personne, cela permettrait d’aimer tout le monde, ce serait imiter le Christ. Première nouvelle ! L’amour que l’on porte à un conjoint n’empêche pas d’aimer ses enfants, ses collègues, ses amis, ses voisins… N’aimer personne en particulier n’a jamais permis d’aimer tout le monde : combien d’êtres seuls misanthropes ? Et combien de chrétiens laïcs, couples investis, au nom de l’amour de Jésus-Christ pour tous – en particulier pour les plus pauvres (Mt 25, 31-46) – , qui servent leurs frères et sœurs en souffrances, éloignés d’eux sous bien des formes ?

Par ailleurs, l’Église estime que le service de l’autel nécessite des êtres purs, les relations sexuelles n’étant pas réputées pour l’être… L’Église ne comprend pas naturellement qu’on puisse avoir des relations sexuelles dans l’amour (hormis pour la procréation), on a parfois le sentiment que pour elle, il s’agit toujours de fornication (quand le but de créer une nouvelle forme de vie n’est pas premier). Dès lors pour toucher les saintes espèces, il faut absolument être irréprochable sur tous les plans, a fortiori ceux qui  touchent à la chair (sous toutes ses formes). L’Église mère devient belle-mère par l’intercession de ses représentants les plus zélés, qui veulent des curés le doigt sur la couture de la soutane.

Alors, oui, les prêtres latins sont appelés actuellement à vivre dans le célibat (et non dans la chasteté, ce qui change quand même pas mal de choses). Inutile de revenir ici sur le sujet : cela fait un millénaire que le célibat des prêtres est promulgué, célibat – en totale contradiction avec la Déclaration universelle des Droits de l’Homme – qui n’était pas respecté auparavant (et pour cause : des prêtres étaient mariés dans l’Église latine), qui ne le fut que difficilement après et qui l’est toujours aujourd’hui. La réponse officielle est toujours la même : pas d’inquiétude, il ne s’agit pas d’un dogme mais d’une règle disciplinaire, cela peut se changer facilement. Cela fait des décennies que cette réponse est formulée mais que les choses demeurent en l’état. Si c’est si simple, qu’attend-t-on ? La Saint-Glinglin ? Depuis, on a forgé un nouvel argument : accepter des prêtres mariés, ce serait cléricaliser les laïcs…

De fait, il s’agit de déconnecter le presbytérat de l’eucharistie ; le prêtre viennois Paul Zulehner, théologien, estime que «c’est une erreur de subordonner l’eucharistie au célibat du prêtre », idée reprise par le cardinal-archevêque de Munich et Freising, Mgr Marx, par ailleurs membre du C 92. Ce sujet serait sur le bureau du pape jésuite, lequel termina ses œuvres de miséricorde l’an dernier lors de l’Année sainte extraordinaire par une visite aux prêtres romains ayant quitté le ministère pour fonder un foyer. Comme le disait Mgr Riobé, évêque d’Orléans (1963-1978), aux prêtres « défroqués » (comme on le disait jadis de manière péjorative), « il faut tenir ! Il faudra bien qu’un jour l’Église reconnaisse la richesse de vos vies et que vous sortiez du silence ». Le moment de sortir du silence est venu, ce que rappelle dans la préface Mgr Gaillot, évêque de Partenia, lequel note in fine que « si l’Église le veut et si elle le peut, ‘‘la vérité la rendra libre’’ [Jn 8, 32]. » Il s’agit en effet de liberté, laquelle fait fi de toute règle disciplinaire, à plus forte raison quand celle-ci est injuste et inhumaine.

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« Des compagnes de prêtres se livrent » au prix de 22 euros