Anne-Laure Danet, pasteure et responsable des relations entre les Églises chrétiennes au sein de la FPF, réagit à la candidature d’Anne Soupa.
Anne Soupa a présenté sa candidature à l’évêché de Lyon le 25 mai. C’est une démarche qui m’a surprise, et que je trouve formidable pour l’Église catholique. Et cela passe par des signes forts qui interpellent, qui dérangent parce que des vraies réformes impliquent toujours des changements de mentalité, de façon de penser et d’agir. On sait que la place des femmes au sein de l’institution catholique n’est pas fondée sur un argument théologique. L’usage est venu avec la réforme grégorienne. Réserver la gouvernance aux seuls prêtres, c’est rester dans une logique qui rend les laïcs dépendants des hommes d’Église. Cette confiscation du pouvoir n’a rien d’évangélique.
Une candidature pour une gouvernance, non un ministère
C’est peut-être par des paroles comme celle d’Anne Soupa que la situation peut évoluer. Sa candidature peut faire prendre conscience que les choses ne sont pas immuables et que ce qui se pratique de longue date n’est pas forcément fondé théologiquement. D’ailleurs, beaucoup de catholiques le reconnaissent. La théologienne ose une parole libre parce que l’Évangile rend libre ! Non seulement sa proposition est fondée mais elle ne serait pas impossible. D’autres Églises pratiquent déjà ce ministère pour des hommes comme pour des femmes (l’Église anglicane, luthérienne, etc.). Anne Soupa d’ailleurs n’appelle pas à la révolution, elle ne cherche pas à modifier la compréhension catholique du ministère. Dans sa candidature, elle redonne la définition de l’épiscopat : un ministère de surveillance au sens de soutien, d’écoute, de lien. C’est la force de sa proposition.
De plus, le rapport au pouvoir des femmes est souvent différent de celui des hommes. Les femmes s’inscrivent globalement davantage dans des démarches relationnelles et collégiales. On l’a vu avec le ministère pastoral au sein de l’Église réformée : l’arrivée des femmes a modifié la manière d’exercer le ministère. Nous nous apportons mutuellement, hommes et femmes, des richesses dans nos différences. Avec ce fonctionnement catholique, exclusivement masculin, on est dans la « mêmeté ». Je souhaite que le signal qu’elle envoie fasse lever d’autres femmes et provoque une véritable prise de conscience dans l’Église catholique.
Anne Soupa délivre un témoignage
Les changements génèrent toujours de l’angoisse, on préfère l’immobilisme. Il ne s’agit pas de bouger pour bouger mais de faire entendre une vérité fondamentale de l’Évangile. C’est ce que dit Anne Soupa : la vie de l’Église n’est pas réservée à quelques-uns. On ne peut pas cantonner la moitié de l’humanité à un rôle défini par les hommes. À ce titre, ce que fait Anne Soupa est vraiment encourageant. Si d’autres comme elles osent s’exprimer dans l’Église catholique, on peut espérer que leur démarche aboutira un jour. Cette femme est ancrée dans une compréhension de l’Évangile qui lui permet d’être libre. C’est un beau témoignage.
Propos recueillis par Claire Bernole