Réseaux du parvis, 68 rue de Babylone, 75007 Paris
A
Son Éminence, Cardinal Pietro PAROLIN
Cardinal Secrétaire d’Etat
Cité du Vatican
Paris ce 27 Novembre 2017
Éminence, Monsieur le Cardinal Secrétaire d’État
La Fédération des Réseaux du Parvis est une fédération de communautés de base, en lien avec diverses organisations sœurs au niveau international. Nous nous permettons de vous demander quelques minutes de votre temps pour vous faire part des réflexions que nous inspire la situation très grave dans laquelle se trouve le diocèse d’Osorno, au Chili, du fait de la nomination et du maintien en poste de l’évêque Mgr Juan Barros Madrid. En effet, nous sommes informés de diverses sources de l’immense souffrance de l’Église locale.
Avant tout, nous voulons dire que, comme homme, Juan Barros a droit au respect et à l’amour fraternel, nous les lui reconnaissons, et ce qui suit ne remet nullement en cause ces principes chrétiens, et même simplement humains.
Le fond de la question est que Mgr Juan Barros se trouve tout-à-fait disqualifié pour être le pasteur d’un diocèse au Chili. Il est de notoriété publique qu’il fut très proche (1) de Fernando Karadima, et qu’il est formellement et personnellement mis en cause par les victimes, sur des accusations précises, pour divers agissements et notamment, pour avoir au moins protégé son « maître » (2). Or cette affaire a provoqué au Chili le séisme dont vous avez sans doute été informé, et qui dépasse les limites de l’Eglise, pour atteindre le corps social tout entier. Quant aux manifestations de pédophilie, elles sont définitivement rejetées partout, de même que les anciennes habitudes pour couvrir et protéger.
Ne pouvant accepter la présence à leur tête de quelqu’un sur qui pèse une aussi lourde charge, les laïcs d’Osorno ont, dès la nomination de Mgr Juan Barros, fait connaître leur position et leur refus. En l’espèce, interpréter ce mouvement dans le cadre de la seule logique d’autorité serait méconnaître l’exceptionnelle gravité des répercussions sociales de cette nomination. Ce serait de même s’égarer que de croire ou laisser dire que ces laïcs sont manipulés par des mouvements à finalité politique.
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1. En attestent notamment les propos de Fernando Karadima lui-même lors de son procès, et ceux de Juan Barros lors de son allocution de départ d’Iquique.
2. Les agissements imputés à Juan Barros n’ont jamais fait l’objet de poursuites, les plaignants ayant mobilisé leurs forces sur les procès faits à Karadima, de sorte que tous les propos et tous les bruits tendant à dire qu’il a été blanchi sont sans fondement.
Le mouvement est constant dans ses objectifs, sans débordements, sans qu’il ait donné lieu à aucune violence, et ce depuis bientôt trois ans. Il comporte des personnes compétentes, très au fait des problèmes de l’Église (3).
. Ils se réfèrent d’ailleurs à une très ancienne tradition de l’Eglise selon laquelle on ne peut imposer un évêque à un peuple contre son gré (« nullus invitis detur episcopus ») (4). Ayant recherché diverses sources d’information sur le sujet, nous avons pu prendre connaissance des nombreux soutiens apportés au mouvement des laïcs, y compris ceux de distingués religieux, tels Jorge Costadoat, sj, Fernando Montès, sj, Agustin Cabré, cmf (qui fut vicaire épiscopal de Arauco), et bien d’autres. Tous témoignent de la vérité et du sérieux de l’engagement des laïcs d’Osorno.
Le prolongement indéfini de la situation actuelle n’est pas raisonnablement envisageable.
• Malgré les proclamations de Mgr Barros, la vie du diocèse est gravement perturbée, comme en témoigne la récente démarche qui consistait à vouloir faire venir un exorciste dans la cathédrale. Heureusement, Mgr Alejandro Goic a eu la sagesse d’interrompre l’opération, qui n’était pas de nature à pacifier. Et voici que le vendredi 24 novembre, était célébré le 40ème anniversaire de la cathédrale San Mateo : la cathédrale était pratiquement vide.
La nomination, puis le maintien de Mgr Barros ont fait l’objet de plusieurs prises de position des autorités civiles, gardiennes de l’ordre public. En effet, si l’Eglise doit pouvoir exercer sa mission en toute indépendance, elle doit aussi prendre soin de son insertion pacifique dans le tissu d’une société plurielle, surtout dans un pays de vieille tradition catholique.
L’image de l’Eglise Catholique du Chili, qui est actuellement en souffrance, n’a rien à gagner à prolonger, par la perpétuation d’un état de crise, la triste affaire Karadima qui n’est que trop présente à tous les esprits. Tous les protagonistes gagneraient à cicatriser la plaie ouverte à Osorno plutôt qu’à la laisser s’aggraver. Car l’image que donne l’Église est aujourd’hui beaucoup plus le fait, à nos yeux, de la force du message qu’elle porte, et de sa crédibilité, que du maintien formel de procédures institutionnelles.
A l’heure où la place des laïcs dans l’Église devient chaque jour davantage un sujet central d’attention, pour lui donner le visage que le monde attend, prendre en compte un mouvement de laïcs tel que celui d’Osorno est de première urgence.
Ayant mûrement réfléchi avant de nous adresser à vous, nous vous demandons, Éminence, et cher Père, de bien vouloir initier, à la place éminente où vous vous trouvez, une action tendant à résoudre le problème d’Osorno. Pouvez-vous nous permettre d’ajouter que nous serions heureux d’apprendre prochainement que Mgr Juan Barros aura reçu une mission où il puisse trouver la paix ? En vous remerciant pour l’attention que vous aurez portée à la présente, nous vous prions de croire, Éminence, à nos sentiments très respectueux.
Le président de la Fédération des Réseaux du Parvis,
Georges Heichelbech
3. Ils viennent de produire un rapport très complet (75 pages et une multitude de références) sur l’état présent de l’Église du Chili.
4. Épitre de Célestin 1er