Imaginer le synode de demain
2 Juillet 2020
Paule ZELLITCH, Jean Marc SALVANES
Si notre république n’entretenait pas des rapports compliqués avec le religieux en général et avec l’Église catholique en particulier, elle aurait probablement fait à la Conférence des évêques de France (CEF) la même demande que la Commission royale australienne d’enquête sur les abus sexuels sur mineurs à la Conférence des évêques d’Australie, en 2017 : donner des réponses institutionnelles pour lutter contre les abus dans l’Église, mettre en place un partage des responsabilités entre prêtres et laïcs, hommes et femmes. Ces demandes n’étaient pas une aimable invitation mais une injonction des pouvoirs publics australiens : les évêques ont rendu leur copie en 2018.
En France, c’est sous la pression de la société civile qu’une demande de commission d’enquête parlementaire a été, in extremis, transformée par la CEF en une commission indépendante, la CIASE (commission Sauvé). Malgré les difficultés et les obstacles qu’elle rencontre, cette commission fait un formidable travail d’enquête qui sera rendu public au 3e trimestre 2021.
Autre sujet de scandale : la situation des femmes dans l’Église. Là aussi l’Église n’a pas pris d’initiative significative. La candidature personnelle et retentissante d’Anne Soupa à la succession du cardinal Barbarin place le besoin d’égalité dans l’accès aux responsabilités sous les feux de l’actualité nationale et internationale. Et donc encore une fois, c’est sous une poussée extérieure que l’Église de France va devoir avancer.
Pour y parvenir, cette institution a besoin d’aide, d’altérité : l’entre-soi clérical est paralysant. Mais en a-t-elle conscience ? Le souhaite-t-elle ?
Les hiérarques de l’Église de France n’écoutent pas ou si peu, au point qu’il faut souvent les brusquer avant de pouvoir dialoguer puis réformer. Certains catholiques s’en effraient et s’inquiètent ! Mais soyons clairs, notre détermination à faire bouger les lignes témoigne de notre immense attachement à ce que l’Église peut contenir de meilleur. Aux tenants du silence, nous rappelons que la folie est d’espérer sans rien faire quand la sagesse est d’agir pour espérer.
Une récente tribune dans les colonnes de La Croix, intitulée « Imaginer l’Église de demain », propose de revisiter « les imaginaires » et d’organiser un synode. Initiative vouée à l’échec car tous ceux qui ont espéré et espèrent encore en la vertu d’une politique des petits pas se sont heurtés et se heurtent à un immobilisme désespérant : rien ne se passe.
Or, le temps est compté : les églises sont désertées, le patrimoine immobilier à vendre, les baptêmes et les mariages se raréfient, les finances sont éreintées, la parole devient défensive à défaut d’être performative, le clergé ne se renouvelle pas, le nombre de clochers par paroisse grandit, le recours à des prêtres étrangers n’apporte pas de réponse durable…
Aussi, la demande récurrente de la CCBF est tout autre. Il ne faut ni espérer un synode ni le quémander, mais le revendiquer comme le droit élémentaire et rappelons-le reconnu des catholiques à être entendus dans leur propre institution (1). La question n’est pas de savoir s’il faut un synode ou pas mais de savoir quand et surtout avec quelle méthode.
Le pape François convoque en 2022 un synode des évêques sur la synodalité. Grande impatience du pape à ce que les clercs entendent le peuple de Dieu ! Nous demandons, dans la dynamique de ce synode romain, que la CEF ouvre un synode national. Prenons tous le temps, de nous inspirer de ce qui se fait déjà ailleurs : recommandations de la commission royale australienne, prise en compte d’autres modèles catholiques nationaux de gouvernance, analyse de la méthode propre au chemin synodal allemand, conclusions de la commission Sauvé.
Il importe, et ce sera de bon augure pour un synode national, qu’un partenariat authentique large, ouvert, serein… et sain (co-construction et coresponsabilité) de la CEF avec tous les catholiques s’engage au plus vite.
Convenons d’une méthode claire et partagée pour mobiliser le monde catholique tout entier afin de prendre en compte ses réflexions, ses attentes et ses propositions. La Conférence des baptisé-e-s est prête à y contribuer, avec son réseau d’experts éprouvés.
Quelles thématiques pour un tel synode français ? Nous ne souhaitons pas restreindre, a priori, la liste des sujets à évoquer. Il ne s’agira pas d’aborder « quelques-uns des problèmes auxquels l’Église est confrontée », comme le propose la tribune précitée, mais de tous les aborder pour l’avenir de l’Eglise. Chers évêques : la vérité libère, n’ayez pas peur.
Confiant comme François dans le sensus fidei, le « peuple de Dieu », sans exclusive ni censure, dira les thèmes de travail du synode à venir et tous y travailleront.
Après avoir secoué l’arbre, nous pourrons en cueillir les fruits. Le Synode, c’est demain,
Pour la Conférence des baptisé-e-s,
Paule Zellitch présidente, et Jean-Marc Salvanès, administrateur
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(1). Cf. les canons 211 et 212, §2 -3.