La période du Moyen âge s’étend d’après les historiens de l’an 500 (plus précisément et date la plus souvent citée : 476) jusqu’à l’an 1500 (date souvent citée 1453). 476 c’est la chute de l’Empire romain d’Occident envahi par les dits « barbares ». 1453, c’est la fin de l’Empire romain d’Orient avec la prise de Constantinople capitale par les Ottomans.
Entre les deux se situe ce fameux second Concile de Latran en 1139 où le mariage des prêtres a été déclaré nul. Et par voie de conséquence leurs enfants sont devenus… des « bâtards ».
Nous avons déjà vu dans PJ N°15 l’énorme influence de Augustin (mort en 430 lors de l’assaut des Vandales sur Hippone, capitale de son évêché) sur la conception de la sexualité dans l’église et pas seulement l’église du Moyen âge. Dans l’article « Haro sur les femmes », (PJ N°16), nous avons vu l’origine et le développement de la vie monastique qui a fortement influencé la conception du statut du prêtre, mais aussi les résistances à cette influence.
Le prêtre est d’abord animateur de communauté, le plus souvent choisi par elle au départ. Il vit donc dans le monde au milieu des gens, obligatoirement, pour pouvoir exercer sa fonction, et non entre les 4 murs d’un monastère. Il n’a pas vocation de moine, de solitaire. Et d’un autre côté les moines n’ont pas vocation à animer une communauté. C’est la confusion entre les deux statuts qui a été source de bien des maux. De plus les prêtres élus choisissent parmi eux un évêque, un « episcopos », c’est-à-dire quelqu’un qui fait la liaison, qui veille à leur cohésion. Notons bien cet aspect qui part du bas et remonte par élection. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Au Moyen âge, changement de décor : avant même Charlemagne, l’organisation des communautés de villages a évolué. Ce sont les grands propriétaires terriens qui nomment les prêtres à la tête de ces communautés. Et ces grands propriétaires pouvaient être de seigneurs, des supérieurs de monastères, des chapitres de chanoines, des évêques, ou des fondations et des hospices richement dotés par leurs protecteurs. Ils étaient les relais de leur pouvoir sur le peuple.
Charlemagne (de 768 à 814) va continuer sur cette lancée en s’inspirant de ce qui avait si bien réussi à l’Empereur romain Constantin. Il parvint à être maître d’un Empire qui s’étendait de la Normandie à l’Italie et du Béarn … de la Gascogne à l’Allemagne actuelle. Comme nous le savions, à Noël de l’an 800 et à Rome, il se fit couronner par le Pape Léon 3 avec les titres romains de « Auguste et Empereur », titres romains qui étaient tombés en désuétude depuis… l’an 476 précisément ! Pour unifier ses sujets, il choisit … une religion unique; ce choix lui permit d’encadrer des peuples, assez différents d’origine mais bien souvent sans culture, par des clercs, devenus des outils au service de son pouvoir, comme les évêques du 4ème siècle qui étaient devenus préfets par la grâce de Constantin ! Ce fut une époque d’évangélisation avec des conversions en masses… par décision politique. Et voilà la foi et les hiérarques chrétiens instrumentalisés une nouvelle fois par le pouvoir politique ! Alliance mortifère de l’épée et du goupillon ! Cela va durer pas mal de temps !
Charlemagne prend bien soin de doter largement les monastères et les évêchés en argent et en terres. Il accorde même au pape la gouvernance de territoires allant de Rome à Florence et comprenant la Corse. Le pape, chef d’Etat ?!! Ce seront les fameux « Etats pontificaux » ou « Etats de l’Eglise » qui dureront jusqu’en 1870 où pourra enfin se réaliser l’unité italienne.
Charlemagne n’a pas beaucoup d’argent et il veut que, sur ses terres, on lui obéisse. Il encourage le serment du « Vassal ». Celui-ci peut être un Duc, un Comte, un évêque ou un Abbé supérieur de monastère. En contrepartie du serment de fidélité, l’empereur leur accorde des ‘bénéfices » sous forme d’argent, de terres et des privilèges. Mais en supplément, l’empereur accorde l’immunité aux domaines de l’Église. Ainsi il renonce à ses droits publics concernant les impôts, la justice, la levée des troupes. De plus il généralise l’impôt appelé la dîme : le dixième des récoltes et des revenus est dû aux ecclésiastiques. Et à son tour le comte ou l’évêque font de même vis à vis de leurs subordonnés.
C’est le temps de la féodalité où entre le souverain (empereur ou roi) et le paysan de base s’établissent un multitude de pouvoirs intermédiaires de comtes et de châtelains établis comme suzerains et qui vont à ce titre lever les impôts, rendre la justice – et quelle justice – et aussi lever de troupes ! S’installe ainsi une pyramide de seigneurs et de vassaux liés en quelque sorte par des contrats. Les curés sont ainsi les vassaux des évêques dont ils reçoivent les terres, voire des fermes entières avec les familles qui y habitent et y travaillent. Il n’y avait pas de denier du culte ! le curé vivait de l’exploitation des biens qu’l avait reçus en fonction de sa charge.
Jusqu’au concile de Trente, existe un large fossé entre ce qu’on pourrait appeler » la haute Eglise » – évêques et moines -, qui monopolise le pouvoir, les terres et la culture, et le « bas clergé », dit séculier (du siècle), sans formation, sans orientation, et assimilé au petit peuple dont il partage la vie, y compris au plus bas niveau, dans les travaux des champs. D’ailleurs la très grande majorité du peuple ne sait ni lire, ni écrire; et bien des curés, pas davantage ! Les moines et leurs écoles sont les détenteurs d’une grande partie de la culture. Et l’imprimerie ne sera inventé par Gutenberg qu’en 1450 sous la Renaissance (Topo je Pierrard p; 56)
Les Abbayes deviennent aussi très riches. (cf PJ Topo célibat 03 10 2002, p. 64)
En cette période des Xème-XIéme siècle les ordres religieux vont se multiplier et se développer rapidement.
Un exemple : le monastère de Cluny est créé en 909 par une donation du Duc d’Aquitaine (ses domaines vont de la Bourgogne au Languedoc et à l’Auvergne : rien que ça !). Règle de St Benoit. En 994 Cluny compte déjà 34 couvents. Il recrute surtout dans la haute aristocratie. Beaucoup de pèlerins y affluent pour vénérer les reliques (plus de mille, vraies ou copies !) (Cf Topo je p. 5)
———–
Quelques dates pour illustrer cette expansion monastique qui explique leur lourde influence :
– En 1084 est fondé l’ordre des Chartreux par le futur Urbain 2.
– En 1120, celui des prémontrés. Une trentaine de monastères se créent très rapidement.
– En 1098 est créé l’Abbaye de Cîteaux, prés de Dijon (en Bourgogne), toujours à partir d’un don du Duc de Bourgogne Eudes 1er. Quand Bernard de Clairvaux qui en a été le Pére abbé meurt en 1153, il y a 341 maisons rattachées à cette abbaye, 500 en 1298 !
En 1210 c’est la naissance des Franciscains avec François d’Assise d’origine italienne (1182-1226).
En 1215, l’ordre dominicain (frères prêcheurs), sous l’impulsion d’un espagnol Dominiqued’une famille aisée.
ça n’arrête pas !
Les Abbayes deviennent aussi très riches, ce qui n’ira pas sans poser des problèmes plus tard !. (cf PJ Topo célibat 03 10 2002, p. 64)
Beaucoup de papes furent d’anciens moines, ce qui ne fut pas sans influence sur l’établissement de cette règle du célibat. Citons-en 8 sur cette période : Sylvestre 2 , bénédictin (999-1003); Victor 2, bénédictin (1055-1057); Etienne 9, bénédictin aussi en (1057-1058), Grégoire 7, bénédictin (1073-1085),Victor 3, bénédictin en (1086-1087), Urbain 2, bénédictin de Cluny (1088-1099) qui lance la première croisade; Pascal 2, bénédictin (1099-1118); Gélase 2 du Mont Cassin (1118-1119). 8 sur 120 ans, c’est révélateur d’une tendance ! voir note bas de page
Mai cette époque voit aussi la construction des grandes cathédrales que nous connaissons. En France par exemple : Verdun en 990, Vienne, Toulouse, Saint Denis en 1140, Poitiers en 1162 en style roman, Notre Dame de Paris en 1163 en style gothique, Strasbourg en 1176, Bourges en 1200, Reims en 1211… Plus d’une quarantaine en seulement 200 ans ! Le peuple a la hantise de son salut éternel ! et les prédicants ne se font pas faute d’appuyer sur la chanterelle !
D’ailleurs on s’enrôle aussi pour la croisade. La première a été lancée en 1095 par le pape Urbain 2, ancien bénédictin de Cluny, depuis Clermont en Auvergne. Elle se caractérise par une forte participation populaire, c’est-à-dire constituée de milliers de pèlerins-piétons, alors que les chevaliers caracolent à cheval. Elle est l’occasion pour le pape de réoccuper une partie des terres perdues lors de l’expansion arabe du 9ème siècle, de rendre Jérusalem accessible aux pèlerinages et aussi de redorer son blason. Sept autres croisades principales suivront jusqu’en 1291. C’est aussi le moyen de détourner les chevaliers de leurs luttes fratricides. Le pape promet l’indulgence plénière pour ceux qui partiront « délivrer » Jérusalem. C’était l’assurance-vie éternelle ! De plus par un retournement complet de doctrine, le pape affirme que ce n’est pas un péché que de verser le sang des infidèles; or les musulmans étaient considérés comme des hérétiques, des païens et des adorateurs de faux dieux. On appelle cela : gagner sur tous les tableaux !
Tel était le contexte de cette époque où la règle de 1139 a été édictée.
Il est évident que le contexte a bien changé. Cette règle se justifie-t-elle aujourd’hui ?