Entre espérance et indignation
Point de vue féministe sur le Synode sur la famille 2015
Les journalistes ont souligné le dynamisme avec lequel le pape François a dirigé le Synode sur la famille 2015. Il a renouvelé la méthode synodale et prit soin de susciter des discussions véritables. Il insuffle un renouveau. Et il est contesté pour cela.
On a rapporté trois événements survenus pendant le Synode ayant pu avoir pour but de le déstabiliser : une lettre d’un groupe d’évêques plus conservateurs, la circulation de fausses photos indiquant qu’il serait atteint d’un cancer et le coming out d’un prélat. À travers ces vents contraires, a-t-on indiqué, le pape François a tenu bon et il a maintenu la direction souhaitée pour le Synode. Il avance l’idée d’une pastorale de la miséricorde à l’attention des personnes qui ne répondent pas aux normes romaines.
Il faut noter qu’il a réitéré à maintes reprises l’imprescriptibilité et le caractère inchangé des visions du SaintSiège sur « la » femme et sur la famille. Rappelons brièvement les énoncés fondamentaux de sa vision de « la » femme, qui a des conséquences directes sur celle de la famille :
1. La femme est créée comme « l’autre » de l’homme;
2. L’homme et la femme sont égaux en dignité humaine; ils ont des fonctions différentes et complémentaires;
3. La femme a pour rôle d’être mère et épouse physique ou spirituelle; sa nature physicopsychologique consiste à prendre soin, à aider, à écouter, à éduquer…
4. L’homme se réalise dans le masculin et le féminin, tandis que la femme se réalise exclusivement dans le féminin : interdiction lui est faite de s’approprier les caractéristiques masculines;
5. Le double critère moral de l’acte sexuel est l’union (l’amour dans le mariage indissoluble entre un homme et une femme) et la procréation (interdiction de la contraception non naturelle).
On reconnaît un système symbolique patriarcal exemplaire et accompli. Il se traduit par une hiérarchisation des fonctions des hommes et des femmes dans l’organisation de l’Église, qui s’est manifestée, au Synode sur la famille d’octobre 2015, notamment par une infime représentation féminine, par le non-droit de vote d’une religieuse alors qu’un religieux y a eu accès et par une non-écoute d’une parole féminine « qui tombait à plat » (Lucetta Scaraffia).
Ce Synode provoque des sentiments mêlés, oscillant entre espérance et indignation. Appelé « le pape des pauvres », François défend la réconciliation entre les nations, la justice pour les personnes immigrantes, la conscience écologique, la critique du capitalisme, une réforme de la curie romaine, toutes choses qui soulèvent l’enthousiasme. Mais comment peut-on isoler la justice relationnelle entre les femmes et les hommes des autres questions de justice sociale? La reproduction du système patriarcal romain suscite l’indignation.
Les catholiques ont la responsabilité d’opposer un refus à cette injustice. Afin de demeurer fidèles à l’évangile de Jésus Christ, ils et elles ont le devoir de refuser d’incarner le patriarcat dans leur vie et dans les communautés locales ecclésiales.
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Publié le 21 décembre 2015 par Denise Couture
Extrait du Site : femmes-ministeres.org
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A propos Denise Couture
Denise Couture, Ph D. (théologie), est vice-doyenne et professeure titulaire à la faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. Elle est membre de l’équipe de direction du Centre de théologie et d’éthique contextuelles québécoises [CETECQ] et membre de la collective L’autre Parole. Ses champs d’expertise sont les suivants : théologie féministe, femmes et religions, interreligieux féministe; éthique théologique chrétienne, éthiques et religions, éthique et sexualité; théologie contextuelle, théologie et altermondialisme.