Célibat des prêtres : le débat relancé ?
Avec le célibat, ce sont les conditions de vie des prêtres au quotidien qui sont au cœur des débats. Ici, l’abbé Marc Isnard, le 23 avril 2020, au presbytère de La Flèche.
« J’ai une très haute opinion du célibat, mais est-il indispensable ? » Une telle interpellation est loin d’être anodine venant d’un cardinal, archevêque de Luxembourg et président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne (Comece). Dans un entretien à La CroixL’Hebdo le 22 janvier, Mgr Jean-Claude Hollerich ne maniait pas la « langue de buis » : « (…) demandons franchement si un prêtre doit nécessairement être célibataire. »« Pourquoi ne pas avoir aussi des prêtres mariés ? », interroge-t-il.
Une autre voix influente de l’Église européenne défend la fin du célibat obligatoire pour les prêtres. Le 2 février, le cardinal allemand Reinhard Marx a expliqué : « Je me demande si (le célibat) doit être posé comme une condition de base pour chaque prêtre. » « Je pense que les choses telles qu’elles sont ne peuvent plus continuer ainsi », a poursuivi l’archevêque de Munich, un proche du pape François.
Des changements qui inquiètent le Vatican
Ses propos intervenaient la veille d’une Assemblée plénière du Chemin synodal allemand, ce processus de réflexion sur l’avenir de l’Église au sein duquel certains réclament de profonds changements qui inquiètent le Vatican, notamment sur l’ordination des femmes ou la fin du célibat des prêtres. Le 4 février, les membres de l’Assemblée synodale, à parité entre clercs et laïcs, ont justement voté, à 86 %, un document – qui devra être ratifié en deuxième lecture en septembre – appelant à assouplir le célibat, en le rendant facultatif. Un vote qui ne manquera pas de susciter des réactions diverses au sein de l’Église universelle sur ce sujet sensible.
Si le célibat n’est pas la question centrale du symposium sur le sacerdoce (voir ci-dessous), qui se tient au Vatican du jeudi 17 au samedi 19 février, l’organisateur, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, ne l’évacue pas pour autant. Dans un entretien accordé à l’agence I.Media, il affirme que « le célibat sacerdotal est incompréhensible si on n’a pas la foi ».
Le célibat, « un don pour l’Église »
Les interrogations sur cette règle ne sont pas neuves : dans les Églises orientales rattachées à Rome, des hommes mariés sont ordonnés. Toutefois, il apparaît que les débats actuels dans l’Église romaine se déroulent au plus haut niveau. D’autant que le nombre de prêtres dans le monde a tendance à baisser depuis 2015 – un peu plus de 400 000. En outre, la possibilité d’ordonner des hommes mariés a été l’un des points débattus lors du Synode sur l’Amazonie, suscitant d’ailleurs de fortes crispations, mais auquel le pape n’a pas fait référence dans son exhortation post-synodale Querida Amazonia, publiée le 12 février 2020.
La règle peut-elle alors évoluer ? En janvier 2019, le pape François dans l’avion de retour du Panama, avait évoqué le célibat comme « un don pour l’Église », réfutant l’idée d’une règle « en option ». Pour le père Philippe Capelle-Dumont (1), qui intervient jeudi 17 février sur « les visions du sacerdoce dans un changement d’époque », « la question du célibat des évêques et des prêtres ne peut pas être tenue pour une affaire seulement disciplinaire et accidentelle de l’histoire ». « Elle ne peut pas être déconnectée de l’état célibataire du Christ et de son exclusivité missionnaire », assure-t-il.
Par ailleurs, il pointe des « appréciations illusoires » sur cette question. Selon lui, la possibilité de se marier n’est pas une réponse à la crise des vocations, « cela ne se vérifie pas ni dans le monde protestant, ni orthodoxe, ni au sein du catholicisme oriental ».
« Plus qu’une loi et moins qu’un dogme »
« Plus qu’une loi et moins qu’un dogme », la question du célibat nécessite avant tout, selon Mgr Didier Berthet, évêque de Saint-Dié (Vosges) et ancien supérieur du séminaire d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), de s’interroger sur les conditions de vie des prêtres. « Avons-nous fait en sorte que les prêtres qui se sont engagés au célibat puissent le vivre de manière humaine, féconde spirituellement et non dans la solitude et l’isolement ? », interroge-t-il. Si la règle doit évoluer, il plaide pour des raisons positives prenant d’abord en compte la vie et la mission des prêtres et la tenue d’un Concile pour trancher cette question « lancinante ».
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Un colloque international sur le sacerdoce
Le symposium international sur les « vocations presbytérales, laïques et consacrées », organisé par le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, s’ouvre ce jeudi 17 février à Rome. Trois jours de réflexions théologiques devant 500 personnes, dont plusieurs dizaines d’évêques – une douzaine venant de France.
Inaugurée par le pape François, chaque demi-journée sera présidée par un préfet de la Curie romaine. S’y succéderont ainsi le secrétaire d’État Pietro Parolin, mais aussi le préfet de la Congrégation pour le culte divin Arthur Roche, ou encore l’évêque chargé de la Congrégation pour le clergé, Mgr Lazzaro You Heung-Sik.
(1) Auteur de l’ouvrage Le Catholicisme contemporain en péril, ces questions essentielles qu’il faut affronter, Artège, 21 € (en librairie le 1er mars 2022).