Privé de Père / Enfant de prêtre, Marie. Extrait de PJ46

Vous avez lu ce témoignage dans le N°46 de Plein Jour. 
Il était très long; nous avons du retirer la fin de ce témoignage. Vous pouvez le lire in extenso ci-dessous :

Instants d’enfance

– Il fait quoi comme métier ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quel âge ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Il a quoi comme voiture ton papa ?

– Je ne sais pas.

– Tu ne le connais pas, ton papa ?

– Non.

– Eh bien, alors, tu n’as pas de papa.

– …..

Je découvre alors que je ne suis pas comme les autres. J’ai 4 ans.

– Maman, il est où papa ?

– …. (Dans son silence, une larme perle au coin de son œil)

– Maman, pourquoi papa est parti ?

– …. (Dans son silence, une tristesse profonde se lit dans son regard)

– Maman, pourquoi je n’ai pas de papa ?

– … (Dans son silence, une détresse s’échappe de tout son être)

Je découvre alors que je n’aurai aucune réponse de maman. J’ai 4 ans.

A partir de ces instants, la solitude et le silence sont entrés dans ma vie.

Je n’ai connu ni l’insouciance, ni l’innocence de la petite enfance.

Papa, ou es-tu ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

– Maman, c’est qui Dieu ?

– C’est celui qui nous donne sa tendresse et son amour tous les jours de notre vie.

– Maman, il n’y a jamais personne dans cette église ?

– Si, lors des messes et des célébrations.

– Maman, on vient à la prochaine messe ?

– Non.

– Pourquoi maman ?

– Parce qu’Ils ne veulent pas.

Je découvre alors la tendresse et la présence de Dieu à mes côtés, mais aussi la méchanceté et la bêtise des hommes. J’ai 6 ans.

A partir de cet instant, débute mon chemin vers Dieu….

Je sais simplement que Dieu est là.

Papa, que fais-tu ? Pourquoi n’es-tu pas là à mes côtés ?
– Marie, veux-tu venir jouer avec moi ?

– … (Dans mon silence, s’exprime une méfiance mêlée de surprise)

– Marie, veux-tu que je t’apprenne le piano ?

– … (Dans mon silence, s’allume une lumière inespérée)

– Marie, veux-tu que l’on partage tout ?

– Hélène, je n’ai pas de papa, je ne suis pas comme les autres

– Peu importe Marie, si tu veux bien, j’aimerais que nous soyons amies.

Je découvre alors que je peux avoir une amie. J’ai 9 ans.

– Comment t’appelles-tu ? Qui es-tu ?

– François-Xavier, je suis prêtre.

– Tu connais Dieu ?

– Il m’accompagne chaque jour.

– Et les messes et les célébrations, c’est comment ?

– Ce sont de magnifiques temps de partage. Veux-tu venir ?

– Je voudrais bien, mais je ne peux pas car je n’ai pas de papa.

– Peu importe, viens avec ta maman, dimanche.

Je découvre alors que l’on m’écoute et que l’on me respecte, en tant qu’enfant, peu importe ma différence. J’ai 9 ans.

A partir de ces instants, la joie et le partage sont entrés dans ma vie.

Je connais enfin le sourire et la malice de l’enfance.

Papa, regarde ma vie ! Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

– Marie, Hélène est partie.

– ???

– Marie, Hélène nous a quittés.

– …

– Marie, Hélène est morte.

Je découvre alors la peur et le repli sur soi. Ils ne me quitteront plus. J’ai 12 ans.

A partir de cet instant, je rentre brutalement dans le monde des adultes.

Je n’ai connu ni les fous rires, ni les questionnements d’adolescente.

Papa, je souffre, j’ai mal ! Pourquoi ne m’aides-tu pas ?

 

 

Instants de silences

– Marie, peux-tu de nouveau mimer ce que tu viens de nous présenter ?

– … (Dans sa voix rassurante, je comprends que mon jeu l’interpelle)

– Marie, lances-toi et improvises sur tes émotions !

– … (Dans son regard encourageant, je comprends que je peux me dépasser)

– Marie, veux-tu intégrer l’école du Mime Marcel Marceau ?

– … (Dans son expression posée, je comprends qu’il est sérieux et qu’il croit en moi)

Je découvre que le clown blanc peut se transformer en clown multicolore, et ainsi vivre. J’ai 17 ans.

– Maman, l’école Marcel Marceau !

– Non, tu es beaucoup trop jeune.

– Maman, j’ai toutes mes chances !

– Non, ce n’est pas un métier.

– Maman, laisse-moi essayer…

– Non, finis tes études et travaille.

– Maman, c’est ma passion !

– Non.

– ….

Je découvre que le chemin tant espéré ne trouvera de réalité que dans mes rêves. J’ai 17 ans.

A partir de ces instants, l’été laisse place à l’hiver, l’espoir de s’exprimer se tait à tout jamais.

Je ne connaîtrai ni les beautés du Cirque, ni les mystères des Lumières de la Ville….

Papa, ou es-tu ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

– Dieu, je ne t’écoute plus, aussi je n’entends plus Ta Parole,

– Dieu, je t’oublie, aussi je ne sens plus Ton Esprit,

– Dieu, je m’éloigne de toi, aussi je ne partage plus Ta Paix,

– Dieu, je ne prie plus, aussi j’oublie Ton Amour.

– …

Je découvre que mes craintes sur le paradoxe entre la vérité des textes bibliques et la réalité des hommes, deviennent des certitudes. J’ai 17 ans.

A partir de cet instant, débute mon chemin de réflexion….

Je sais simplement que Dieu et moi, nous sommes éloignés.

Papa, que fais-tu ? Pourquoi n’es-tu pas là à mes côtés ?

 

 

– Bonjour, bienvenue, je m’appelle Marie. Je serai ton animatrice pour tout ton séjour parmi nous.

– Bonjour (Ce bonjour est inaudible, je ne pose pas de questions, je la prends par la main)

– Je vais t’aider à t’installer dans notre dortoir. Il y a d’autres petites filles de ton âge. Nous avons préparé ton lit, j’espère que tu y seras bien.

– Merci (Ce merci est rempli de surprises et de craintes mélangées. Elle s’assoit doucement sur son lit)

– Si tu veux bien, je vais t’aider à ranger tes affaires dans ton placard.

(Je vois qu’elle se fige de peur, elle ouvre sa valise. Je comprends, la prends dans mes bras, nous restons là un long moment sans rien dire, le temps qu’elle s’apaise)

– Viens avec moi, allons à la laverie ! Tu pourras choisir tous les vêtements que tu veux !

(Elle me regarde avec des yeux ébahis. Je lui souris. Elle sourit enfin.)

Je découvre alors, tout au long de mon séjour, la souffrance et la fragilité de ces enfants qui n’ont pas une enfance comme les autres… Depuis, je m’attache humblement sur mon chemin, à illuminer la beauté intérieure et la sagesse de tous les cœurs d’enfants. J’ai 18 ans.

– Pourquoi, veux-tu faire ta confirmation en tant qu’adulte ?

– … (J’ai envie de lui répondre, mais son manque d’enthousiasme m’arrête)

– Pourquoi ne l’as-tu pas faite plutôt ?

– … (Je vois bien que ça lui pose problème. Mais pour moi, il n’y a aucun problème !)

– Bon, si tu le veux ainsi.

– … (Je rêve ! C’est le monde à l’envers, il devrait être heureux qu’un de ses fidèles chemine vers Dieu, et bien, non…)

Je découvre alors que ceux qui m’excluaient petite, se retrouvent sur mon chemin. Peu importe, je fonce. J’ai 22 ans.

A partir de ces instants, ma force intérieure se développe, en pensant à ses sourires d’enfants et au sourire de Dieu.

Papa, regarde ma vie ! Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

– J’ai une mauvaise nouvelle. Votre dossier est excellent, mais vous êtes deux, et il n’y a qu’une bourse de doctorant.

– Je comprends.

Un an plus tard….

– Votre thèse a remarquablement avancé. Je regrette une chose, ma décision pour votre bourse, il y a un an.

– Je comprends, mais j’arrête.

– ????

– …

Je découvre alors que les joies de la recherche laisseront la place à un goût d’inachevé…. J’ai 25 ans.

A partir de cet instant, je rentre à temps plein dans le monde du travail. J’ai atteint l’objectif.

Je ne connaîtrai plus les joies des découvertes dans les rayons de bibliothèque, ni les recherches de documents jusque tard dans la nuit…

Papa, je souffre, j’ai mal ! Pourquoi ne m’aides-tu pas ?

 

Instants de rencontres

– Vous comprenez tous les points de l’intervention du formateur ?

– Je vous avoue que ce n’est pas toujours très clair.

– A cela s’ajoute qu’il est souvent loin de la réalité de nos métiers.

– C’est vrai, dans les exemples traités, ses principes théoriques ne s’appliquent que rarement dans le quotidien du terrain.

– En fait, j’ai l’impression de perdre mon temps !

– Comme moi ! Et dire qu’on va devoir supporter ses métaphores et ses tirades pendant plusieurs semaines. Quelle joie !

Rires

Je découvre alors celui qui va devenir mon mari. J’ai 27 ans.

– Pourquoi n’es-tu pas partie avec eux te promener ?

– … (Dans sa voix, une colère rentrée raisonne)

– Pourquoi ne participes-tu pas aux activités de ton futur mari ?

– … (Dans sa voix, une colère sourde explose)

– De toute façon, tu n’es pas normale.

– … (Je ne demande pas pourquoi, sa voix qui s’arrête net n’empêche nullement son regard de me l’expliciter)

Je découvre alors ma nouvelle famille. J’ai 28 ans.

A partir de ces instants, je comprends que la sollicitude et l’hypocrisie peuvent parfois se confondre, mais… l’amour rend plus fort….

Je connais un mélange particulier où joie et tendresse se mêlent à douleur et tristesse.

Papa, ou es-tu ? Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

– J’aimerais que nous fassions un mariage religieux, qu’en penses-tu ?

– Oui, je comprends.

– J’aimerais une messe.

– Ce sera compliqué à cause de mes parents. Une bénédiction, c’est déjà bien, non ?

– Ce n’est pas la même chose, mais si cela permet d’apaiser les réticences.

– Tu sais, l’Église pour ma famille, ça ne correspond pas à grand-chose. Par contre, ne t’inquiètes pas tout sera organisé chez mes parents, ce sera plus simple.

– Oui, je comprends…

Je découvre alors le décalage profond entre l’humilité et la force intérieure des hommes qui croient en la richesse de Dieu, et la pauvreté des hommes qui croient en la richesse matérielle. J’ai 28 ans.

A partir de cet instant, mon chemin vers Dieu se poursuit….

Je sais simplement que Dieu est présent à mes côtés.

Papa, que fais-tu ? Pourquoi n’es-tu pas là à mes côtés ?

 

 

– Marie, vous êtes guérie, ce qui vous fait souffrir aujourd’hui, ce qui vous empêche de vivre, c’est une autre douleur…

– … (Je ne réponds rien, je sais qu’il dit la vérité)

– … Il faut que vous sachiez qui est votre père….

– … (Je ne dis rien, je sais qu’il faut que je finisse le chemin de découverte arrêté net à l’âge de 4 ans)

– Je vous donne trois jours, si passé ce délai, vous n’avez rien entamé comme démarche, je vous hospitalise.

– … (Je ne désapprouve pas, je sais qu’il a raison. Mais je suis si seule avec ma douleur…)

Je découvre alors que c’est une question de survie. J’ai 30 ans.

– Maman, j’ai vu le médecin. J’ai besoin de savoir maintenant.

– Besoin de savoir quoi ?

– De savoir qui est papa.

– Pourquoi ?

– Pour me construire maman.

– …

– Maman, j’ai besoin de savoir qui est mon papa, pour VIVRE.

– Viens lundi en début d’après-midi, je te dirai.

– … Merci maman…

Je découvre alors que la vérité va enfin entrer dans ma vie…. J’ai 30 ans.

A partir de ces instants, je sais que l’équilibre de mon chemin de vie se construit….

Papa, regarde ma vie ! Je vais te « rencontrer »….

– Bonjour.

– Bonjour, maman.

– Entre dans la salle à manger.

– Merci maman.

– Tu veux donc savoir ?

– Oui, maman.

– Tu veux donc savoir qui est ton père ?

– Oui, maman.

– Ton père est prêtre et il s’appelle….

– …

A partir de cet instant, la vérité est entrée dans ma vie… J’ai 30 ans.

Je quitte un chemin de vie « anormal » pour prendre un nouveau chemin de vie que certains qualifieront d’inquiétant, de surprenant, de bizarre, que d’autres désigneront de curieux, de prodigieux, d’insolite… Peu importe pour moi, je sais.

 

Juste un instant…

Lorsque j’ai su, je n’ai rien dit.

Je me souviens avoir eu un sourire intérieur rempli de larmes.

Un sourire paisible, je sais enfin ; mais un sourire inquiet des jours, des mois et des années à venir.

Un sourire rassuré, je connais mes origines ; mais un sourire paniqué du poids à porter.

Un sourire libéré, j’ai un prénom et une vocation ; mais un sourire prisonnier d’un silence conforté.

 

Instants d’espoirs

– Marie, on va le retrouver !

– … (Pourquoi ?)

– Marie, on va le retrouver !

– … (Comment ?)

– Marie, on va le retrouver !

– … (Où ?)

Je découvre que mon mari est beaucoup plus motivé que moi. Certainement que pour lui, c’est une évidence, il oublie, simplement que pour moi, c’est une nouvelle souffrance. J’ai 30 ans.

– Excusez-moi, Madame, mais je ne pensais pas que cela irait aussi vite.

– Cela n’a pas été simple, Marie, mais j’y suis arrivée.

– Je vous remercie sincèrement pour votre soutien et votre aide.

– Vous êtes prête à le rencontrer ?

– Oui …

– Ayez confiance !

– Oui …

– Je vais le chercher.

– Oui …

– N’’ayez pas peur ! Je suis là.

– …

Je découvre devant moi, un homme marqué, avec un regard qui se veut plein d’assurance, mais qui est rempli d’inquiétudes et de peurs. J’ai 30 ans.

Maman m’a parlé de papa.

Avec sa peine intérieure, ses silences et ses craintes d’être jugée.

Papa m’a parlé de maman.

Avec sa douleur introvertie, ses maux, et ses inquiétudes d’être jugé.

Je respecte l’un, je respecte l’autre.

Je ne les ai pas jugés ; je ne les juge pas ; je ne les jugerai jamais.

C’est leur vie, elle leur appartient.

Papa…

– Jésus, pourquoi je suis dans cette église ?,

– … (C’est mon papa qui officie)

– Jésus, pourquoi j’écoute cette homélie qui m’explique Ta Parole ?

– … (C’est mon papa qui prêche)

– Jésus, pourquoi je reçois ainsi Ton Corps ?

– … (C’est mon papa qui me donne la communion)

Je découvre que j’ai un père appelé Père. J’ai 30 ans.

A partir de cet instant, seule la prière sera le lien entre Dieu et moi.

Entrer dans une église est douleur, participer à une célébration est douleur, communier est douleur.

Papa, tu te tournes vers notre Père, en communion avec tes frères.

Moi, je me tourne vers notre Père, seule.

 

– N’aies pas peur, je veux juste te souhaiter la bienvenue

– … (Un petit mouvement me répond)

– N’aies pas peur, je veux juste te dire que je suis la plus heureuse

– … (Un autre petit mouvement me répond)

– N’aies pas peur, je veux juste te confier que je serai toujours là pour toi

– … (Un silence détendu me répond)

– N’aies pas peur, je veux juste te dire que je t’aime

– … (Un autre silence paisible me répond)

Je découvre que je vais être maman. J’ai 32 ans.

– Merci Marie pour ta sincérité. Baptiser Jean-Baptiste sera une immense joie.

– … (Merci mon Dieu pour cette rencontre)

– Merci Marie pour ta confiance. Guider Jean-Baptiste sera un beau chemin.

– … (Merci mon Dieu pour ces paroles)

– Merci Marie pour ta démarche. Éclairer le cœur de Jean-Baptiste sera un geste de paix.

– … (Merci mon Dieu pour cet espoir)

Ces paroles viennent d’un prêtre qui croit au cœur de chaque Homme. Elles atténuent mes douleurs. J’ai 35 ans.

A partir de ces instants, Dieu accompagne Jean-Baptiste. Je suis une maman heureuse.

Papa…

Parole de l’évêque, lors de notre dernière rencontre :

…. J’ai rencontré votre père. Je lui ai dit qu’il aurait dû m’avertir de votre existence. Il n’a pas apprécié votre démarche auprès de moi. Surtout, ne regrettez rien. Vous avez bien fait. Je vous en remercie. Surtout, prenez soin de vous… Je suis particulièrement touché par votre requête, car elle est rare, non pas que vous soyez seule dans ce cas, mais rare, car vous ne demandez aucun dédommagement, simplement l’amour de votre père…

Je découvre alors que l’Église est une montagne avec des cols infranchissables qui ne demandent pourtant, qu’à laisser passer tous les enfants de Dieu… J’ai 34 ans.

A partir de cet instant, je prends conscience que le chemin vers mon père se ferme.

Papa, tu te tournes vers notre Père, en communion avec tes frères.

Moi, je me tourne vers notre Père, seule.

 

Instants de solitude

– Il arrive quand papa ?,

– Je ne sais pas.

– Il est où papa ?

– Je ne sais pas.

– Il ne mange pas avec nous papa ?

– Je ne sais pas.

– Il va venir me dire bonne nuit papa ?

– Je ne sais pas.

– Pourquoi tu ne sais pas maman ?

– …..

Je ne sais plus rien. J’ai 38 ans. Jean-Baptiste a 4 ans.

Que nous arrive t-il ?

– Je ne rentrerai pas. Je pars.

– Pourquoi ?

– C’est ainsi.

– Pourquoi ?

– ….

– Pourquoi ?

Je découvre alors un gouffre profond que je connais, qui s’appelle l’abandon. J’ai 38 ans.

Jean-Baptiste me pose ses mille et une questions, je n’ai aucune réponse. Il a 4 ans

A partir de cet instant,

Oui, j’ai peur ; oui, je revis des cauchemars que je croyais dissipés,

Oui, je pleure ; oui, je repense à cette solitude que je pensais effacée.

Oui, je souffre ; oui, je revois ce film que je croyais terminé.

Peu importe, je vais me battre pour toi, Jean-Baptiste, avec la vérité, le respect, le partage, la tendresse et l’amour, pour seules armes.

Papa…

– Je suis perdue, mon Dieu, puis-je encore me présenter devant toi ?

– Je suis perdue, mon Dieu, puis-je encore entendre ton pardon ?

– Je suis perdue, mon Dieu, puis-je encore sentir ta force et ton courage ?

– Je suis perdue, mon Dieu, puis-je encore voir ta lumière ?

Je ne sais plus rien. J’ai 38 ans. Jean-Baptiste a 4 ans.

Que nous arrive-t-il ?

A partir de cet instant, le silence s’installe entre Dieu et moi.

Papa, tu te tournes vers notre Père, en communion avec tes frères.

Moi, je suis seule.

 

– Maman, pourquoi papa est parti ?

– Papa est parti car il a décidé de vivre une vie différente

– Maman, est ce que je pourrais faire du théâtre ?

– Oui, bien sûr !

– Maman, pourquoi papa ne m’aime plus ?

– Papa t’aime et t’aimera toujours

– Maman, est ce que c’est compliqué les mathématiques ?

– Non, c’est passionnant !

– Maman, je t’aime

Je découvre, au bout d’un an de patience, d’humiliations, de mensonges, de silences, de non-dits, une vérité inattendue. Le papa de Jean-Baptiste me parle, m’explique et se dévoile.

Je sais maintenant…., enfin…

J’ai 39 ans. Jean-Baptiste a 5 ans.

A partir de cet instant, plus personne ne jugera Jean-Baptiste, il peut reprendre son chemin de vie.

A partir de cet instant, plus personne ne me jugera,

Peu importe que je sois fille de prêtre bientôt divorcée, je peux reprendre mon chemin de vie.

Papa…

– Jean-Baptiste, où vas-tu ?

– Je vais voir la cathédrale !

– Jean-Baptiste, que fais-tu?

– Je pousse la porte pour y entrer ! Viens !

– ….

Papa…

Assis tous les deux, dans la cathédrale, en murmurant

– Maman, c’est qui ?

– Jésus.

– Maman, pourquoi il est sur la croix ?

– Par amour des hommes, pour les libérer de leurs fautes et du mal qu’ils font et qu’ils se font.

– Maman, c’est qui ?

– La Vierge Marie, la maman de Jésus.

– Maman, que fait le monsieur à genoux ?

– Il prie. Il parle à Jésus, à sa maman, à Dieu. Il les écoute lui parler…

– Maman, prie avec moi !

Je découvre, grâce à l’amour de Jean-Baptiste, un nouveau chemin de prière et de paix.

J’ai 40 ans. Jean-Baptiste a 6 ans.

A partir de cet instant, je comprends que je ne suis plus perdue. Dieu est à nos côtés.

Papa, tu te tournes vers notre Père, en communion avec tes frères.

Moi, je me tourne vers notre Père, avec Jean-Baptiste.

Instants de partages

– Marie, apprends à partager !

Dès l’enfance, tout le monde nous demande de partager…

– Marie, partage !

Mais, il y a des moments de silences, de solitudes dans notre vie, où nous n’avons pas envie de partager…

– Marie, partageons ensemble !

Toutefois, la vie nous réserve des rencontres et des espoirs qui nous portent à partager…

– Maman, j’ai plein de questions !

– Je t’écoute Jean-Baptiste !

– Avec qui partage-t-on ?

Avec ta famille, tes amis, toutes les personnes que tu aimes,

Mais aussi, avec ceux et celles que tu aimes moins ;

Avec les enfants que tu ne connais pas aujourd’hui,

Mais que tu connaîtras demain ;

Avec ceux que tu aimes, partis rejoindre Jésus,

Mais aussi, avec les enfants qui naîtront demain…

– Pourquoi partage-t-on ?

Une des lettres de Saint Paul Apôtre aux Romains, extrait de la Bible, relate :

« … Autant que possible, pour ce qui dépend de vous,

Vivez en paix avec tous les hommes »

 

Partager,

Pour s’ouvrir à ceux qui nous entourent,

Pour découvrir le cœur de ceux avec lesquels nous vivons,

Pour écouter les richesses de ceux qui nous entourent,

Pour s’épanouir grâce à ceux qui se confient à nous,

Pour communier avec ceux qui nous entourent,

Pour donner du temps à ceux qui se dévoilent,

Pour prier dans le respect de ceux qui nous entourent,

Pour apprendre à aimer les différences de ceux qui sont tes frères.

 

Partager,

Pour rêver d’un monde meilleur,

Pour oser avancer dans ses engagements,

Pour cheminer sur les étapes de la vie,

Pour pleurer quand la douleur est trop lourde ou quand les joies sont magnifiques,

Pour accepter de découvrir ce que l’on est,

Pour se remettre en question dans le regard des autres

Pour prendre le temps de découvrir et de pardonner à tes frères.

Pour se comprendre soi-même…

– Comment partage-t-on ?

En parlant avec son cœur,

En chantant avec son corps,

En écoutant avec son âme,

En dansant avec ses yeux,

En écrivant avec sa foi…

– Que partage-t-on ?

Des envies, des désirs, des folies !

Des secrets, des passions !

Des soucis, des peurs, des incompréhensions…

Des silences, des peines…

Des couleurs, des joies, des bonheurs !

Des sentiments, des amours !

Des prières…

Des instants de vie…..mieux.