En octobre dernier, je me suis jointe au groupe « Oasis Plein Coeur (1)» sachant que j’y trouverais un lieu d’écoute et de soutien. J’ai vécu moi aussi, une relation amoureuse, intime, avec un membre du clergé demeurée secrète quelques années.
Pourquoi ? Parce que je n’ai pas trouvé ailleurs une « tribune » où me dire enfin, me libérer en toute vérité, sans censure aucune et surtout sans oppression pour me faire taire. En écoutant leurs confidences, j’ai constaté que pour la plupart d’entre elles, le dénouement s’est soldé par un échec et une atteinte à leur dignité.
Personnellement, je fus privilégiée d’avoir rencontré un vrai, un grand, un homme de foi qui ENFIN s’est responsabilisé et a assumé pleinement le choix de vivre notre relation d’amour en vérité et en toute liberté. Même en sachant les conséquences probables, ecclésiales, sociales et familiales, il a fait preuve d’audace et d’un grand courage pour faire un tel choix. Certains ont cru et croient encore à tort qu’il s’agissait de sa part d’un coup de tête, un geste irréfléchi, un piège que je lui ai tendu pour le corrompre. Ces personnes le connaissaient bien mal…cet homme était mature et de grand discernement. Il entama des démarches à ce tournant précis de sa vie afin de prendre une décision éclairée et en toute objectivité à savoir : « Qu’est-ce que je suis vraiment, moi, comme homme et qu’est-ce que je veux vivre et faire à présent du reste de ma vie ? »
Pendant une période de quelques mois de repos, il fut étroitement suivi au niveau médical et psychologique avec tout ce que cela comportait de remises en question, d’interrogations profondes, de déchirements intérieurs. Tout au long de cette démarche, je demeurais disponible pour l’accompagner et lui être présente. Ce qui lui a semblé le plus important : « J’ai besoin de me sentir réellement aimé en tant qu’homme et non juste pour mon titre. » Ce que j’ai trouvé admirable chez lui, c’est que jamais il n’a reproché quoi que ce soit ni à l’Église ni à personne. Ce LIBRE choix, il l’assumait pleinement. Il disait : « Je suis responsable de mon choix mais je ne suis pas responsable de la réaction des autres, ça leur appartient.»
Il fut relevé de son ministère. Différentes instances religieuses ont réagi assez fortement. On nous a conseillé de quitter la région par peur d’un éventuel scandale. On est intervenu pour lui faire perdre un emploi obtenu assez rapidement. On lui a demandé ne plus fréquenter les lieux de culte, de s’abstenir de l’Eucharistie, de quitter le pays pour l’éloigner de moi. Enfin, on lui a refusé l’aide financière pour subsister, alors qu’il ne touchait aucun revenu. Notre présence indésirable nous renvoyait devant l’insécurité, l’incertitude et une grande déstabilisation. Mon conjoint a dû leur rappeler la Charte des droits et libertés. Nous faisions face à un mur très épais fabriqué par la peur, les lois, les principes…et derrière ce mur, Le NÉANT. Cette expérience réaliste nous a permis de constater combien la plupart des prêtres vivant une relation, sont habités par cette « peur », celle de se retrouver devant rien. Certains d’entre eux ne possèdent aucune formation et aucun diplôme. Mon conjoint, pourtant diplômé, faisait face à un reniement de tous ses acquis comme si aimer une femme le rendait complètement NUL ! Démuni de tout potentiel ! Finalement, un poste lui fut attribué au sein duquel il a continué à servir l’Église et le peuple de Dieu de façon différente mais aussi valorisante. Nous vivions dans une situation très précaire financièrement. De plus, nous devions rester « profil bas » pour éviter les éclaboussures.
Quelques années passent. Avec plus de stabilité à plusieurs niveaux, nous avons décidé d’un commun accord de célébrer notre amour (civilement bien entendu) car le mariage religieux nous était formellement interdit. Nous désirions régulariser notre situation.. Certaines personnes très proches ont manifesté leur désaccord en brillant par leur absence à cette journée exceptionnelle. Malgré toute cette souffrance dirigée autant contre lui que contre moi, rendu aux derniers instants de sa vie, il a pardonné. Mon grand amour désirait quitter ce monde dans la paix et la sérénité du cœur. Avant de mourir, il m’a avoué: « Ma belle Marie, je n’ai jamais regretté une seule seconde mon choix de vivre avec toi. Merci d’être demeurée ma compagne de vie malgré tout ce qu’on nous a fait vivre de très difficile de part et d’autre et surtout des miens…»
Mon bien-aimé était investi d’une belle grandeur d’âme. J’ai eu la chance de vibrer à toute la beauté et la luminescence de son dernier regard posé sur moi. Très émue et à la fois sublimée sous ce regard très particulier « indéfinissable » par de simples mots. Tout dans ses yeux reflétait la transparence de son âme! Nous vivions « un moment unique de communion de notre amour tenant si j’ose dire, du divin …au-dessus de tout mot ! »
Son décès survenu trop rapidement m’a fortement ébranlée. De temps à autre, je ressens encore cette peine qui apparaît de façon sournoise. Je tiens bon en m’accrochant à son amour et aux belles valeurs qui l’ont habité au quotidien. J’ai vu en cet homme intègre la bonté, l’accueil, le respect, l’authenticité, la générosité et l’amour se manifester sans faille, jour après jour. Son sens de l’humour nous a permis de dédramatiser bien des situations embarrassantes. Maintenant, quelques années plus tard, je me sens plus capable de dénoncer toute cette « hargne » déployée contre nous.
Si j’ai raconté tout ceci c’est que je compte me libérer à jamais de l’aspect négatif de mon histoire tout en clamant haut et fort que j’ai connu la grandeur de l’Amour avec un homme libre habité par une spiritualité dépassant le légalisme religieux. Je me devais de le faire par respect pour moi, dans ce que je suis comme femme qui a aimé ce grand homme d’Église mais avant tout, un véritable témoin du Christ, sa vie durant. Pour « lui » rendre justice! Pour « me » rendre justice! Il faut cesser de culpabiliser ces couples femmes-prêtres et de leur faire porter un blâme qu’ils ne méritent pas.
Marie, le 21 octobre 2014 Association québécoise Oasis Plein Coeur
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(1) Plein Jour a aidé la création de ce groupe au Quebec
(2) Que penser de ces phrases terribles que j’extrais du témoignage : » On nous a conseillé de quitter la région par peur d’un éventuel scandale. On est intervenu pour lui faire perdre un emploi obtenu assez rapidement. On lui a demandé ne plus fréquenter les lieux de culte, de s’abstenir de l’Eucharistie, de quitter le pays pour l’éloigner de moi. Enfin, on lui a refusé l’aide financière pour subsister, alors qu’il ne touchait aucun revenu… »
N’est-ce pas le comportement d’une secte ? De quoi douter que cette église est encore héritière du message de Jésus ? Une institution qui a perdu sa boussole ? et dire qu’elle s’en prétend seule héritière !! un comble ! Intervenir auprès d’un employeur pour qu’il se refuse d’employer cet homme, c’est un comportement… digne d’une Mafia ?