Lettre de Léon Laclau à l’évêque de Bayonne

 04 juin 2007

A Monsieur Pierre Molères, Évêque de Bayonne

Père,

Le 23 avril, c’est déjà bien loin… pour certains. Vous avez eu le temps de tourner la page du “curé d’Asson”, une page que j’imagine plus embêtante que douloureuse pour vous.

L’Ouzoum s’est apaisé. Le torrent « ne charrie plus de boue et de débris de toues sortes » pour reprendre l’expression du Supérieur provincial des Pères de Bétharram.

Pour moi, ces cinq semaines qui me séparent du 23 avril sont inscrites dans la mémoire vive.

Je n’oublie pas que c’est vous, autorité diocésaine, qui m’avez sanctionné mais que vous n’avez pas eu la correction de m’apporter la lettre de la sanction. Vous avez préféré me la transmettre par une autre instance, celle de ma congrégation.

Je n’oublie pas que votre silence à mon égard reste pour moi un signe de bien peu d’humanité, pour ne pas dire un signe de mépris. Je n’oublie pas, et fort heureusement, ces voix innombrables qui se sont levées dans le Piémont et bien au-delà du Piémont pour m’apporter, nous apporter, soutien et réconfort. « vous avez tout fait pour que ces voix se lèvent », me direz-vous… Trop facile, ce réflexe d’autodéfense, surtout de la part de tous ceux qui ont préféré rester dans l’ombre, derrière les coupures de journaux, les flash info ou les sites Internet, plutôt que de venir sur le terrain pour voir et écouter.

Je n’oublie pas non plus ces centaines de courrier, de messages téléphoniques, de mails qui nous ont exprimé leur soutien, leur amitié mais aussi leur révolte face à une Eglise qui respire l’hypocrisie. J’ai des témoignages terribles d’hommes, des femmes, de prêtres qui ont souffert et qui souffrent encore. Certains mettent en cause des prêtres de l’Eglise diocésaine de Bayonne ou d’autres diocèses. Quand je pense à eux, et que je les vois si fiers lors de réunions ou de concélébrations, la nausée me gagne.

Je n’oublie pas enfin, votre attitude démissionnaire face à vos responsabilités de pasteur.

Heureusement que Léon Laclau est religieux ! « or un religieux ne peut pas vivre dans le concubinage de façon notoire ou secrète » (lettre de révocation du 23 avril 2007).

Certes, le vœu de chasteté et la discipline du célibat ne sont pas du même ordre, mais dans les faits, c’est la même chose, c’est le même engagement. Vous pensez tromper les gens en jouant avec les mots de chasteté et de célibat ? mais les gens ne se trompent pas car en ce domaine, ils n’ont pas besoin qu’on leur fasse des dessins. Ils savent ce que vivent certains de vos prêtres, jusque dans la Plaine de Nay. Mais leur situation est plus facile à gérer. Vous n’aurez pas une congrégation qui vous poussera au pied du mur et qui vous pourrez encore et encore continuer à faire comme si vous n’entendiez rien et ne voyiez rien. C’est donc, bien vrai, un séculier n’est pas un religieux…

Comme vous avez dû vous en rendre compte, pendant tout ce temps de médiatisation, je n’ai agressé, en aucun moment, ni l’institution de l’Eglise, ni ses responsables. Jamais je n’ai vécu ma situation dans un esprit de militantisme et mon amour pour Marga et ses enfants n’a pas altéré ma passion pour l’Évangile et pour l’Eglise. C’est bien cela que la population a voulu exprimer si fortement.

Par contre, votre attitude de « gardien de la discipline » me heurte : je me sens agressé à la fois par votre silence méprisant et par vos paroles empreintes d’hypocrisie. C’est pourquoi, je me donne à présent le droit de parler de ce que j’ai entendu et lu ces derniers temps et de ce que je vois encore. Je me donne aussi le droit de faire circuler ce courrier que je vous envoie.

Je sais que vous allez dans quelques jours prendre la route vers Asson. Dommage que vous ne l’ayez pas prise dans la période où la cour du presbytère ne désemplissait pas d’enfants, de jeunes, d’adultes, de papis et de mamies venant m’apporter, nous apporter, des paroles de soutien.

Pour chacun de nous, la route continue : beti aintzina !

Léon Laclau